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Channel: Meïr –מַעֲשֵׂה אֲבוֹת סִימָן לַבָּנִים
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Storytellings au Moyen-Orient

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Une tribune de mon ami Frank Tapiro

Quelques photos que j’avais faites en 2010 dans un no mans land à Hébron prés du tombeau des patriarches, Ramallah, le check point de Kalandia, les 4 x 4 de l’Europe qui abreuvent Ramallah comme une manne (j’en ai toute une collection photo), les toits d’Hébron… Je suis passé à peu prés partout dans le West Bank. Sauf Gaza bien sûr, le « pavillon témoin ».

En plein Festival de Cannes, nous assistons depuis quelques jours à l’un des plus incroyables scénarios jamais écrit de l’histoire de la politique moderne.

La crise de l’accord iranien se déroule comme un épisode de 24 heures chrono. Sans déterminer qui interprète Jack Bauer, chaque protagoniste y joue un rôle précis, parfaitement maitrisé en fonction de son positionnement pour le bon déroulement du conflit et de l’objectif à atteindre : la renégociation du traité.

Tout commence par une visite de Macron chez Trump.

Cette rencontre émotionnelle et tactile montre à quel point les deux hommes, pourtant très différents en termes de méthode et de style, se rejoignent sur la dialectique politique.

Faire ce qui a été promis et annoncé pendant la campagne présidentielle et surtout faire « Out of the box. », en dehors du cadre établi, loin de tout dogmatisme ou de mauvais réflexe politicien.

Un sourire, une accolade, un hug suivi d’un bisou totalement inapropriate pour un américain, président de surcroit, une caresse sur la cuisse contrastant avec des poignées de mains franches et viriles. Le nouveau duo des « qu’on-attendait-pas » est formé et semble fonctionner au même rythme. A son retour, Macron esquisse pourtant une moue désabusée loin de toute naïveté annonçant en teasing qu’il serait fort surprenant que Trump reste dans l’accord iranien initié par Obama. Ce spoil totalement préparé est le début d’une séquence de stratégie politique mise en scène par 4 talents hors-pair qui oeuvrent chacun sur leur terrain de prédilection.

Benjamin Netanyahu dévoile en live sur CNN les dossiers secrets nucléaires iraniens avec moults preuves, classeurs, CD, photos et videos à faire pâlir Ethan Hunt, alias Tom Cruise, dans un opus de Mission impossible.

Trump, comme il l’avait annoncé pendant sa campagne, déclare vouloir se retirer de cet accord inepte sans pour autant refuser un nouvel accord renégocié qui contraindra entre autres l’Iran à détruire les installations de fabrication d’uranium enrichi d’avant 2003.

Emmanuel Macron regrette le retrait des Etats Unis et assure Rohani de ne pas le laisser tomber.

Vladimir Poutine, fraichement réélu à la tête de la Russie, fait de Netanyahu son invité d’honneur sur l’air de la Hatikva à la célébration de la victoire russe contre les nazis, rappelant à toutes fins utiles les origines russes du premier ministre israelien.

L’Iran, via ses positions syriennes, lance des roquettes qui ne réussissent pas à dépasser la frontière quand d’autres son détruites par le dôme de fer.

Israel contre-attaque en détruisant en moins de deux heures de temps plus de 50 positions iraniennes en Syrie avec la plus grande opération aérienne depuis la guerre du Kippour de 1973.

Poutine déclare avoir évoqué les attaques avec son cabinet de sécurité. Sans plus.

La tension monte, le climax est à son comble.

Pendant ce temps, à quelques jours du ramadan rendant une attaque au long cours difficile voire impossible, l’Iran voit l’annonce des sanctions américaines assombrir son avenir économique proche. Sa monnaie dégringole en quelques heures, le peuple iranien ne voit pas l’argent promis arriver, la perspective d’une embellie semble avoir totalement disparu et le pouvoir en place sent souffler le sirocco de la révolte. Pour gagner du temps, on annonce que la revanche contre Israel est en route….en attendant de trouver une porte de sortie.

De son côté, Trump fait un festival en annonçant une conférence avec Kim Jong Un à Singapour et en libérant héroïquement 3 prisonniers américains en Corée du Nord.

Pour éviter aux perses une humiliation psychologiquement délicate, Emmanuel Macron, dans son rôle de super diplomate « good cop »  est l’élément rassurant qui garde le contact émotionnel avec Rohani.

Poutine, lui, compte les points et fait faire le sale boulot par ses 2 « bad cops » Trump et Netanyahu, l’un pour taper sur l’accord, l’autre pour frapper de façon préventive se trouvant en légitime défense.

La seule façon de pousser l’Iran à renégocier l’accord est de ne pas lui donner le choix.

Une guerre impossible qui ruinerait le pays et le pouvoir d’un côté, une renégociation rapide qui lui éviterait l’humiliation totale et la fin de son administration de l’autre. Le status quo n’est bon pour personne. Il faut aller vite.

Cette stratégie win-win et concertée se fait dans le respect des rôles de chacun.

Poutine voit l’élément perturbateur iranien sur le point de se retirer de Syrie sans avoir à intervenir directement, ce qui démontre une fois de plus le rôle central de la star des tsars.

Israel voit sa sécurité renforcée tout en envoyant un signal fort à toute la région et plus particulièrement au Hesbola qui, depuis le conflit de 2006, sait qu’Israel aura sa revanche.

Trump démontre une fois de plus qu’il fait ce qu’il dit, comme Macron qui tient bon face au retrait de Trump à vouloir à tout prix conserver un lien avec l’Iran. Macron se sortira grandi quelque soit la nature du nouveau traité comme « celui qui a résisté » à Trump en toute amitié. In fine, c’est lui qui exhortera les iraniens à renégocier sans trahir leur confiance.

Le peuple iranien sortira la tête haute en évitant ainsi une crise économique fatale et en faisant l’économie d’une guerre dont personne ne connait l’issue.

Enfin, les gardiens de la révolution peuvent ainsi choisir l’option d’éviter un grave conflit, une crise intérieure, une banqueroute et espérer se refaire une santé en faisant profiter les iraniens des bénéfices d’un nouvel accord qui lui garantit un rebond et une espérance.

Mise en scène coordonnée ou synchronicité heureuse de toutes les prérogatives, ce scénario est la meilleure démonstration que la seule garantie de paix réside en la solidarité et l’union de toutes les forces.

Cette superbe séquence finit en apothéose avec la victoire d’Israel à l’Eurovision la veille de Yom Yerushalaim. Netta Yahouuuuuu!

Lundi 14 mai, l’ambassade des Etats Unis déménage à Jérusalem, la veille du jour de célébration de la Nakba par les palestiniens.

Le scénario est parfaitement huilé. Il n’en fallait pas moins au Hamas pour instrumentaliser la population palestinienne et l’envoyer au suicide.

Les media français sont ravis de pouvoir traiter Israel d’agresseur en légitimant les agressions palestiniennes à la frontière sous prétexte qu’ils sont victimes de l’état hébreu.

Les forces du mal viennent une fois de plus gâcher la belle histoire par un sursaut d’orgueil meurtrier de dernière minute. Même si personne n’a intérêt à voir la région s’enflammer, espérons que ce drôle de jeu de rôles ne se termine pas en chaos comme dans le dernier épisode de Faouda ou la dernière scène d’Avengers. (Désolé pour le spoil)

Frank Tapiro

 

 

 

 


Kiddouchine ! Mariage de Rachel et Meïr, le 13 mai 2018

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וְאֵרַשְׂתִּיךְ לִי לְעוֹלָם וְאֵרַשְׂתִּיךְ לִי בְּצֶדֶק וּבְמִשְׁפָּט וּבְחֶסֶד וּבְרַחֲמִים

וְאֵרַשְׂתִּיךְ לִי בֶּאֱמוּנָה; וְיָדַעַתְּ אֶת-יְה

 » Alors, je te fiancerai à moi pour l’éternité;
tu seras ma fiancée par la droiture et la justice,
par la tendresse et la bienveillance;
Ma fiancée dans la foi, et alors tu connaîtras l’Eternel. » (Os 2, 22)

Kiddouchine, (le mariage juif) : signifie, « sanctification » en hébreu, « sanctifier » c’est-à-dire particulariser, séparer, choisir. Le Hattan (fiancé) choisit la Kalla (fiancée) en lui passant l’anneau à l’index droit après un kiddouch sur le vin; comme D-ieu « choisit » c’est à dire particularise Israël au service de toute l’humanité. En cette veille de Chabbat et de la fête de Chavouot (Pentecôte) nous vous souhaitons la paix en vous et feu de la Torah dans vos coeurs.

Rachel et Meir LONG 05

Bénédiction du Taleth

Rachel et Meir LONG 03

Discours du Grand Rabbin de France Haïm Korsia

Rachel et Meir LONG 04Rachel et Meir LONG 06 (1)

AnneauRachel et Meir LONG 06

Chant de la Ketouba et discours par le Rav Haïm HarbounRachel et Meir LONG 07

Rachel et Meir LONG 08

Chant de la Ketouba en araméen

La ‘Houpa (le dais) sous les étoiles, est un signe de la bénédiction de D.ieu au patriarche Abraham, le père de tous les croyants, en lui promettant que sa descendance sera aussi nombreuse que “les étoiles du ciel”. La ‘Houpa , symbolise le foyer que le couple construit. Un espace ouvert aux quatre horizons, de la même façon que l’était la tente d’Abraham et de Sarah, afin de pouvoir offrir l’hospitalité aux amis et aux membres de la famille sans aucune restriction.

Houppa

 

Discours de Jacob Ouanounou sur l’Amour (Hahava = 13 = e’ahd/ 13 mai !)Rachel et Meir LONG 09Rachel et Meir LONG 10

Le Rav Harboun et notre président Gaston MadarRachel et Meir LONG 11

Yom Yérouchalaim (le 13 mai), 50 ans de la réunification de la ville de Jérusalem
70 ème anniversaire civile de la Naissance de l’Etat d’Israël le 14 mai.

 

La communauté qui nous a accueillis il y a 8 ans s’appelle Ohel Abraham (la tente d’Abraham), un symbole d’accueil entre la terre et le Ciel ouvert aux 4 horizons , alors pour l’occasion nous avons construit  une tente pour notre communauté et nos invités dans le jardin de la synagogue.

Tente

Rachel et Meir LONG 16

On a chanté Israel hi habayt cheli – « Israël est ma maison »

 

0883

Rachel et Meir LONG 17

 

 

CHAVOUOT : Ruth la convertie, Rabbi Meïr, Elicha Ben Abouya… et le monde qui vient

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La fiancée juive

Rembrandt, La fiancée juive, Amsterdam, 1665
(Certains interprètes y ont vu Ruth et Boaz ou Isaac et Rebecca,
à qui des contemporains juifs de Rembrandt ont prêté leurs traits)

Quelques étincelles jaillies du Sinaï qui m’ont illuminé en cette fête de Chavouot où nous lisons les dix commandements et la Meguila (rouleau) de Ruth, une princesse moabite qui se convertie au judaïsme et épouse Boaz. J’ai fait entrer en résonance deux lectures midrachiques celle du midrach de Ruth et celle du midrach Piha que nous a été expliqué notre ami Jacob.

Avertissement sur le Midrach : Le Midrach, (de darach, chercher) fonctionne comme un rêve éveillé, une ivresse poétique, il rapproche des passages de l’écriture, des événements semblables ou dissonants, des personnages antithétiques pour expliquer le texte écrit et faire vivre sa profondeur de transmission orale que l’écrit ne fait que fixer pour mieux ensuite renvoyer à la Torah orale. Le midrach comme le processus de rêve fonctionne par condensation et déplacement, métaphore et métonymie. Il a donc une immense valeur poétique mais lui attribuer une visée historique reviendrait à une lecture littéraliste qui ne correspond pas à l’intention de ses auteurs qui font se croiser Ruth et Elicha Ben Abouya, Adam et Job afin de dégager des significations spirituelles et non pour faire œuvre d’historien ou de ‘reporter’.

 

Ruth, la convertie

Le Zohar de Ruth nous livre la clé du livre de Ruth  :

« Ce rouleau fait allusion à la Torah écrite, à la Torah orale et au monde à venir »

Une « rédemption »

Résumons l’histoire :

A l’époque des Juges d’Israël (10ème siècle avant notre ère) Élimélec et sa famille fuient la famine qui sévit en Israël et quittent la ville de Bethléem vers le royaume voisin de Moab. Après la mort de son époux et de ses deux filles en Moab, Noémi (Naomi : « la beauté » en hébreu) propose à ses deux filles de rester en Moab. Mais sa belle-fille lui répond :

« Partout où tu iras, j’irai; où tu demeureras, je veux demeurer; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu; là où tu mourras, je veux mourir aussi et y être enterrée. Que l’Eternel m’en fasse autant et plus, si jamais je me sépare de toi autrement que par la mort! » » (Ruth 1, 16-17)

Ruth revient donc avec sa belle-mère Noémi à Bethléem au sud de Jérusalem en Juda. C’est la période de la moisson des orges (Comme la fête des tentes, Souccot, est la fête de la joie de l’engrangement de la récolte à l’automne, Chavouot est la fête agraire des moissons). Ruth glane dans les champs de Boaz un de ses lointains et généreux parents. Noémi dit alors à Ruth de se rendre à l’aire de vannage et de se coucher aux pieds de Boaz quand il dort. Celui-ci se réveille en sursaut et lui demande de décliner son identité. Elle lui dit qu’elle est sa parente.

Il va lui proposer d’épouser un parent plus proche d’elle, mais ce dernier, cupide et qui ne voit pas la ‘valeur’ de Noémie veut bien des biens mais pas d’elle ! et il va refuser de la « racheter » : « Je ne puis faire ce rachat à mon profit, sous peine de ruiner mon patrimoine à moi. »(Ruth 4, 6). Boaz, homme de coeur, va donc exercer son droit de « rachat » et Ruth et Boaz vont se marier.

Le rouleau de Ruth traite donc du « rachat », un rachat de biens (le champs du mari et des gendres de Noémi décédés) et du rachat par le mariage de Ruth qui a valeur de rédemption. Le Goël  a la signification de parenté, rédemption, droit de rachat, prix de rédemption. Le livre contient 23 fois les mots goel, geoula (délivrance, rachat, rédemption). Boaz, est présenté comme le rédempteur qui a le pouvoir de racheter la terre de Noémi (d’Israël) et Ruth elle-même. Boaz comprend les qualités de cœur de Ruth : « Que l’Eternel te bénisse, ma fille! Ce trait de générosité est encore plus méritoire de ta part que le précédent, puisque tu n’as pas voulu courir après les jeunes gens, riches ou pauvres… tous les habitants de notre ville savent que tu es une vaillante femme. »(Ruth 3, 10)… et sans tenir compte de ses origines il lui attribue une très haute valeur alors que son plus proche parent qui ne voit que les biens refusera ce rachat.

La lecture politique

Le livre de Ruth est un livre où n’apparait jamais le mot Torah. C’est une époque avant les rois où :

« En ce temps-là il n’y avait pas de roi en Israël et chacun faisait ce qui lui plaisait » (Jg 17, 6)

On lit donc le jour du don de la Torah un récit d’une période placée sous le signe de l’anomie et de la famine, une époque d’aveuglement où Samson juge d’Israël pendant 20 ans se perd en suivant ses yeux, qui suivent Dalila… et finiront crevés. Dès le début du Livre des juges au verset 1 la question du leadership politique est posée :

 Après la mort de Josué, les enfants d’Israël consultèrent le Seigneur en disant: « Qui de nous doit marcher le premier contre le Cananéen pour l’attaquer? ». (Jg 1, 1)

Entre la mort du leader Josué et le principe unificateur de la royauté dont David sera le prototype idéal s’ouvre une période de fragmentation. La parole de D-ieu est selon le principe midrachique Mida Kenegued mida (mesure pour mesure): Achem rétribue Israël et chacun à la mesure de sa conduite. Dans ce contexte Boaz est la figure de la Torah et du droit d’Israël qui protège la femme seule par le lévirat et le rachat et l’étranger. Le prototype du tsadik généreux qui laisse glaner Ruth puis lui donne de l’orge pour Noémi sa belle-mère. Ruth la moabite figure des Nations se devait de respecter les 7 commandements noachide. Si on ajoute à ce chiffre la valeur en guématria de son nom : 606 on obtient 613, le nombre des mitsvoth d’Israël. Ruth la convertie est le prototype de la personne en quête de la Torah, d’Israël qui a reçu 606 mitsvoth en plus de lois Noachide au Sinaï.

Ruth sera l’arrière-grand-mère de David. C’est-à-dire le principe d’unification dans un monde où chaque juge donne sa propre interprétation.

La convertie

Ruth fait donc le lien entre Israël et les Nations, son rachat elle indique la vocation d’Israël : « Rédimer », racheter les Nations.

« Un Ammonite ni un Moabite ne seront admis dans l’assemblée du Seigneur; même après la dixième génération ils seront exclus de l’assemblée du Seigneur, à perpétuité » (Dt 23, 4)

… Ruth va se marier Boaz. Elle devient le prototype des convertis qui reviennent (techouva) à D-ieu et Israël ! On n’entend pas moins de douze fois le mot « lachouv » (revenir, se repentir) dans le premier chapitre du livre de Ruth.

La nuit où Ruth rencontre Boaz est la figure de ce monde-ci où l’on ne voit pas pour le Midrash. Ruth va se coucher aux pieds de Boaz, qui réveillé en sursaut lui fait une promesse eschatologique “Dors jusqu’au matin”. C’est-à-dire la Rédemption, la venue du Machiah.

Relisons ce rachat (Goël), cette Rédemption (Géoula) qui nous est présentée au moment où nous recevons la Loi au Sinaï.

 

Le Midrach Rabba sur Ruth 6

Rabbi Meïr et Elicha Ben Abouya

De manière assez curieuse et par un détour dont il a le secret le midrach utilise l’histoire des rapports de Rabbi Meïr et Elicha ben Abouya pour expliquer le rachat (Goël), la Rédemption, le rachat de Ruth. Lisons le :

RUTH 6, 4 : PASSE LA NUIT ICI. Cette nuit, tu la passeras sans mari, mais la nuit prochaine, tu ne seras pas sans mari. ET, AU MATIN, S’IL VEUT EXERCER SON DROIT A TON EGARD, C’EST BIEN (tov) QU’IL TE RACHETE; MAIS S’IL NE VEUT PAS TE RACHETER, ALORS, PAR LE D-IEU VIVANT, C’EST MOI QUI TE RACHETERAI.

  1. Méir siégeait et expliquait la Tora dans l’académie de Tibériade, lorsque Elicha, son maitre, vint à passer à cheval dans la rue, un jour de shabbat [ce qui est bien sûr interdit]. On vint dire à R. Meir : regarde ! Elicha ton maitre passe dans la rue. Il alla au—devant de lui et Elicha lui dit :

— Quel verset étais-tu en train d’expliquer ?

— Il lui répondit par le verset: L’Eternel bénit la condition dernière de Job plus encore que l’ancienne (Jb,42, 12).

—Elicha lui dit : et comment expliques-tu ce verset ?

— R. Meir répondit : Dieu a béni Job, en ceci qu’il a doublé sa richesse.

— Ton maitre, Aqiba, n‘expliquait pas ce verset ainsi, lui dit Elicha, mais de cette manière : Job a été béni par le mérite du repentir et des bonnes actions qui étaient à son actif dès le commencement.
Et qu’as-tu expliqué d’autre ? lui demanda- t-il.

— Meir répondit : le verset : mieux vaut la fin d’une chose que son début (Qo 7,8).

— Et comment as-tu expliqué ce verset ?

Il répondit : j’ai référé ce verset au cas d’un homme qui achète des marchandises dans sa jeunesse, les perd ensuite et n’en tire profit que dans sa vieillesse. On peut aussi l’expliquer ainsi: mieux vaut la fin d’une chose que son début: un homme peut faire de mauvaises actions dans sa jeunesse, et faire des bonnes actions dans sa vieillesse. Ou bien encore : mieux vaut la fin d’une chose que son début: un homme peut apprendre la Tora dans sa jeunesse et l’oublier ensuite, puis y revenir dans sa vieillesse. Voilà comment j’expliquais : mieux vaut la fin d’une chose que son début.

— Elicha lui répondit : Aqiba, ton maitre, n’expliquait pas ce verset ainsi, mais comme ceci : quand elle est bonne dès son commencement.

Voici un fait qui illustre cela : mon père, Abuya, était un des notables de sa génération et, lors du banquet offert pour ma circoncision, il invita tous les notables de Jérusalem, y compris R. Eliézer et R. Yéhoshu’a. Après avoir mangé et bu, les convives se mirent à chanter des airs et des poèmes alphabétiques. R. Eliézer dit que pendant qu’ils s’occupaient à leur manière, nous négligeons nos affaires. Ils se mirent donc à réciter des versets en passant du Pentateuque (Torah), puis de là, aux Prophètes (Neviim), et des Prophètes aux Hagiographies (Kétouvim : autres écrits), et les paroles de la Tora les réjouissaient comme au jour où elles furent données sur le mont Sinaï, et un feu entoura les deux hommes et dansa autour d’eux, car les paroles de la Tora n’ont-elles pas, au fond, été données dans le feu au Sinai? Ainsi qu’il est écrit: la montagne était embrasée (D14, 11).

Quand mon père vit cela, il dit: puisque la puissance de la Tora est si grande, si Dieu prête vie à mon fils, je le consacrerai a la Tora. Mais, parce que que son intention n’était pas pure (littéralement : pour la gloire de Dieu), son vœu ne s’est pas réalisé.

— Elicha continua: et qu’as-tu expliqué d’autre?

— R. Meir répondit: On ne lui compare pas l’or ou le verre (Jb28, 17).

— Et comment as-tu expliqué ce verset?

— R. Meir répondit : il se réfère aux paroles de la Tora, qui sont aussi difficiles a acquérir que l’or et aussi fragiles que des objets en verre pour ce qui est de se briser (de les oublier).

— Elicha lui répondit: Aqiba, ton maitre, n’expliquait pas ce verset ainsi, mais il l’expliquait de cette manière: de même que la vaisselle d’or peut se briser et que le verre peut être réparé, de même un savant qui perd son savoir peut le retrouver (laHazor).

A cet instant précis, Elicha dit soudain à R. Méir:

— Reviens sur tes pas (Hazor).

— Pourquoi ? demanda Méir.

Nous avons atteint la limite que l’on peut parcourir le Shabbat lui dit Elicha.

— Comment le sais-tu ? demanda Méir.

— J’ai compté les pas de mon cheval, et j’ai calculé que nous celui-ci a parcouru deux mille coudées.

— Tu possèdes tout ce savoir et tu ne te repends pas ? dit Meïr

— Ce n’est pas en mon pouvoir répliqua Elicha

— Pourquoi ?

Elicha répondit: « Je passais à cheval devant la Synagogue un jour de Kippour, qui tombait de plus un Shabbat, et j’entendis une voix qui disait: revenez, fils rebelles Oracle de l’Eternel (Jr 3. 14), revenez a moi, et je reviendrai à vous (Ml 3,7) tous, sauf Elicha b. Abouya, qui a connu ma puissance, et s’est rebellé contre moi!

Comment se fait-il qu’Elicha ait pu agir ainsi?

On raconte qu’un jour où il était assis à étudier dans la plaine de Ginossar, il vit un homme monter au sommet d’un dattier, prendre une oiselle et ses oisillons, puis redescendre sans dommage. A la fin du shabbat, il vit un autre homme monter à l’arbre et prendre seulement les oisillons, sans leur mère, mais à sa descente, un serpent le mordit et il mourut. Sur quoi Elisha dit. Il est éerit: laisse partir la mère; ce sont les petits que tu prendras pour toi. Ainsi auras-tu prospérité (yitav lakh) et longue vie (vearakhta yamim) (Dt 22, 7). Où est donc la prospérité ou la longue vie pour cet homme ?

Mais il ne savait pas que R. Aqiba avait publiquement expliqué : Ainsi auras-tu prospérité dans un monde entièrement bon; et longue vie: dans un monde entièrement arukh(long ou prét).

[…]

Quelque temps apérs cela Elicha tomba malade, et on vint avertir Rabbi Meïr : « Elicha ton maître est malade ». Meir alla le visiter et lui dit : « fais donc penitence (Hazor bakh) ». Elisha lui répondit : « Est-il possible qu’on m’accepte après tout cela ? » « N’est-il pas écrit répondit Meïr: Tu fais revenir l’homme méme quand il est loin (Ps 90, 3), c’est-à-dire même quand sa vie est brisée ». A ces mots Elisha b. Abuya éclata en sanglots et rendit l’âme. Et R. Méir se réjouit en ces termes: « Il me semble que mon maitre est mort en état de repentance ».

Quand on le mit en terre, un feu vint consumer sa tombe. On vint rapporter à R. Meir: « la tombe de ton maitre est en feu ». Il s’y rendit et étendit son manteau sur la tombe, et dit: PASSE LA NUIT ICI : en ce monde qui est semblable à la nuit.

Voilà ce que nsou explique mystérieusement le Midrach qui selon son habitude rapproche une situation d’une autre nous mène dans une raisonnement pour repartir ailleurs. De quoi s’agit-il ?

La psychose d’Elicha Ben Abouya

Élisha ben Abouya, un des plus grands érudits et mystiques de son temps (génération de Rabbi Akiba née apérs 70, à la fin du premier et début du second siècle) est appelé A’her (« l’autre ») dans le Talmud.

Avec quatre sages il a pénétré dans le Pardes (jardin de la connaissance de D-ieu, paradis) : Ben Azzay, Ben Zoma, Elicha et Rabbi Akiba. Le premier est mort, le second est devenu fou, Elicha regarda et fit des ravages parmi les plantations. « Il coupa les racines » (il renia la foi). Seul Rabbi Akiba s’en est sorti indemne.

Élisha ben Abouya a renié la Torah et décidé de ne plus se consacrer au monde qui vient mais à celui-ci.

Rabbi Meïr continua d’étudier auprès de A’her ; en Eretz Israel on disait : « Rabbi Meïr a mangé la datte et rejeté le noyau » Et Rabba d’expliquer : « « Pourquoi les sages sont-ils comparés à des noix ? C’est que les noix, même si la coquille est pleine de boue, ce qui est à l’intérieur reste propre. » Il en est de même pour un Sage; même si un sage s’est avili, son enseignement ne perd pas de sa valeur. » » (Haguiga 14b)

En fait le problème d’Elicha c’est qu’il sait tout de la Torah, jusqu’au nombre de pas que fait son cheval alors qu’il est interdit d’aller à cheval en ce jour. « Tu possèdes tout ce savoir et tu ne te repends pas ? » s’étonne Meïr. Mais ce savoir ne peut pas lui profiter, pourquoi ?

Parce que l’intention de son père Abouya en lui apprenant le Torah n’était pas pure Lichma , pour le Nom. Son but était surtout d’inviter des nottables et que son fils devienne l’un d’eux, « parce que son intention n’était pas pure (littéralement  pour la gloire de Dieu), son vœu ne s’est pas réalisé. » Elicha a donc été détruit par le geste intéressé de son père, il est incapable d’être fils d’être engendré par une autre parole que la sienne et n’a donc pas confiance en D-ieu, il ne lui donne pas sa fiance (comme on dit « fiancée »), sa foi.

Pourtant Elicha explique à son disciple Meïr l’enseignement précis de Rabbi Akiba (le maître de Rabbi Meïr mort en 116) : Si Job a le double de ses biens ce n’est pas parce que Dieu l’a décidé mais parce qu’il s’est repenti. Il reçoit dans ce monde sa récompense. « Le verre peut être réparé », la téchouva est donc possible ! mais pour que le techouva, le retour, soit possible il faut bien revenir vers quelqu’un !!!

Elicha est donc enfermé dans cette absence de gratuité de la Torah que son père a conçu comme un bon moyen pour réussir, un levier d’ascension sociale !

Elicha de ce fait n’est pas sous la Torah, il se met à sa place, il est la Torah et ne peut pas se mettre devant Dieu. Ce que décrit ici le Talmud c’est la psychose, Elicha est sans père, incapable de naitre d’une autre parole que la sienne, et donc sans D-ieu. Il sait tout comme le lui fait remarquer Rabbi Meïr et même que son cheval a parcouru deux mille coudées à chabbat ! Alors même qu’il ne pratique pas le chabbat. Il voit la Moi qu’il transgresse.

Il sait qu’on peut revenir à D-ieu après s’en être éloigné mais il ne croit pas que cela soit possible pour lui… jusqu’à ce que l’humble Meïr qui ne m’a jamais abandonné ne le sauve. Il découvre le repentir juste avant sa mort.

Après cette mort solitaire et isolée, ses enseignements furent repris, car, comme l’avait dit sa fille à Rabbi Juda HaNassi, « Souviens-toi de ses enseignements et non de ses actions » et ses filles furent réintégrées dans la vie juive par Rabbi Juda HaNassi (TJ Haguiga 2,2).

Elicha Ben Abouya a donc choisi ce monde ci avant de faire techouva en un instant et finir dans le monde qui vient… qui peut dire qu’il sera fidèle jusqu’à la tombe ? Et au bord de la tombe ?

Drôle de destin pour celui qui s’appelle « ben Abouya », ce qui signifie « le fils de son père Ya » (Ya = D-ieu). Elicha ben Abouya est une figure de ceux qui s’estiment les contemporains de D-ieu. Elicha est l’anti Ruth dont le nom signifie « qui est de Moab », c’est-à-dire phonétiquement « issue du père” (min av). Là où Elicha refuse la paternité, Ruth se laisse engendrer et engendre le Roi qui ava unifier Israël.

Le feu dont il est question sur la tombe d’Elicha et lors de sa brit est bien sûr celui du Sinaï mais surtout le fait que l’Etude en passant de la Torah au Prophètes aux Hagiographes et en premier lieu les téhilim manifeste l’unité de la Torah. On retrouve cela dans un autre passage du Midrach :

« Ben Azzaï était assis et interprétait et le feu brûlait autour de lui. On alla dire à R. Aqiba : Ben Azzaï est assis et interprète et le feu brûle autour de lui. Aqiba alla vers lui et lui dit : Peut-être t’occupes-tu des demeures du char (le maassé merkava est la « vision du char » du livre d’Ezéchiel qui est un des fondements de la mystique juive ésotérique avec le massé beréchit, cette lecture est la Haftarah de Chavouot) ? Celui-ci lui dit : Non, je faisais un « collier » en associant les paroles de la Torah aux paroles des Prophètes et les paroles des Prophètes aux Hagiographes, et les paroles de la Torah étaient joyeuses comme au jour où elles furent données au Sinaï. En effet, ne furent-elles pas, la première fois, données dans le feu ? C’est ce qui est écrit :  Et la montagne était embrasée, dans le feu, jusqu’au coeur des cieux ». (Lévitique Rabba sur Lv 14,2)

Un autre midrach de Chavouot rentre en résonance avec cette interprétation.

L’explication du Midrach Pinha

Nous avons reçu un enseignement un enseignement de notre ami Jacob Ouanounou.

Le midrach Pinah dit « la récompense des justes c’est la émouna (la foi) »

Comment les justes pourraient-ils avoir une récompense en ce monde puisque « la récompense des justes c’est le monde futur » (Pirké Avot) ? C’est contradictoire.

Maimonide dans le Michné Torah dans les Lois du repentir au Chapitre 8 parlant de la Téchouva explique que « la récompense des justes c’est le monde futur » :

  1. Le bien dissimulé pour les justes est la vie du monde futur. C’est la vie qui n’est pas accompagnée de la mort, le bien qui n’est pas assorti de mal. C’est ce qui est écrit dans la Torah : « de la sorte, tu seras heureux et tu verras se prolonger tes jours » ; par tradition orale, ils [les sages] ont appris : « de la sorte, tu seras heureux » dans le monde qui est entièrement bienheureux, « et tu verras se prolonger tes jours » dans le monde [où l’existence] est éternelle, il s’agit du monde futur. La récompense des justes est de mériter ce délice, et prendre part à ce bien. Le châtiment des méchants est de ne pas mériter cette vie, et d’être retranché et mourir. Qui ne mérite pas cette vie est le [véritable] mort qui ne vivra pas éternellement, mais sera retranché du fait de sa perversité et périra comme un animal. […]

  1. Dans le monde futur, il n’y a ni corps, ni matière, mais uniquement les âmes des justes, sans corps, comme les anges de service. Étant donné qu’il n’y a point de matière, manger, boire, et toutes les choses dont les corps ont besoin en ce monde n’existeront plus. Aucun des phénomènes corporels qui existent en ce monde, comme la position assise, la position debout, le sommeil, la mort, la mélancolie, la plaisanterie, et ce qui est semblable, n’existera. Voici ce que les sages ont dit : « Dans le monde futur, il n’y aura ni manger, ni boire, ni rapports sexuels ; plutôt, les justes seront assis avec leurs couronnes sur la tête, et profiteront du rayonnement de la Présence Divine ; tu apprends donc qu’il n’y aura pas de corps, puisqu’il n’y aura ni manger, ni boire. Ce qu’ils [les sages] ont dit : « [les justes] seront assis » [ce qui est un phénomène corporel] est [en fait] une allégorie, qui signifie que les justes s’y trouveront sans peine et sans effort. De même, ce qu’ils ont dit : « leurs couronnes sur la tête » [est une allégorie] qui signifie que la connaissance qu’ils ont acquise – par laquelle ils auront mérité le monde futur – les accompagnera. Elle sera leur couronne, dans le même esprit que ce que dit [le roi] Salomon : « orné de la couronne dont le ceignit sa mère ». [Preuve en est du verset :] « une joie perpétuelle couronnant leur tête » ; or, la joie n’est pas un corps pour couronner la tête, de même, la « couronne » à laquelle les sages ont fait référence est la connaissance. Quel est le sens de ce qu’ils ont dit : « et profitent du rayonnement de la Présence Divine » ? Cela veut dire qu’ils connaîtront et percevront de la réalité [de l’existence] du Saint Béni soit-Il, ce qu’ils ne peuvent saisir investis d’un corps obscur et bas.

Alors comment « la récompense des justes » pourrait-elle être « la émouna (la foi) » en ce monde alors qu’ils ne demandent rien en ce monde ?

Le midrach Pinha explicite cela par un autre verset :

L’un des commandements de la Torah prescrit à tout employeur de payer ses salariés en temps et en heure : « Ne commets point d’extorsion sur ton prochain, point de rapine; que le salaire du journalier ne reste point par devers toi jusqu’au lendemain. » (Lv 19, 13)

Et le Deutéronome ajoute :

Le jour même, tu lui remettras son salaire, avant que le soleil se couche; car il est pauvre, et il attend son salaire avec anxiété. Crains qu’il n’implore contre toi le Seigneur, et que tu ne sois trouvé coupable. (Dt 24, 15)

Le Talmud (Baba Metsi’a 112a) dit que retenir le salaire d’un travailleur équivaut à lui prendre la vie.

Ce qui vaut pour l’homme vaut pour D-ieu censé respecter sa Torah, le Créateur Il se conforme aux principes qui gèrent le monde qu’il a édictés.

Le Midrach le souligne :

« Moché s’est ainsi adressé au Saint béni soit-Il : “Maître du monde ! Ne fais pas de Ta Torah une source de dérision ! Il y est écrit : “Le jour même, tu lui remettras son salaire avant que le soleil se couche ; car il est pauvre, il attend son salaire avec anxiété…” (Dévarim 24, 15). Où est donc le salaire des quarante ans pendant lesquels j’ai peiné avec Israël, jusqu’à ce qu’il devienne un peuple saint et fidèle à Toi ?…” » (Dévarim Rabba 11)

Donc l’homme devrait recevoir sa récompense avant le soir (l’heure de sa mort).

On a le droit par contrat de verser un salaire en fin de mois nous dit la guemara si nous ne le faisons pas nous-mêmes mais via un intermédiaire.

C’est ce qu’a fait D-ieu, il a donné ses deux premiers commandements directement à Israël mais pour les autres, comme Israël était débordé par tant de sainteté, il a pris un intermédiaire : Moïse.

 « Rabbi Simlai a enseigné: Il y avait 613 mitsvot à Moïse dans la Torah, consistant en 365 interdictions correspondant au nombre de jours de l’année solaire, et 248 mitsvot positives correspondant au nombre de membres d’une personne.

Rav Hamnuna a dit: Quel est le verset qui fait allusion à cela? Il est écrit: « Moïse nous a commandé la Torah, un héritage de la congrégation de Jacob » (Dt 34, 4). Le mot Torah, en termes de sa valeur numérique [guématria], est 611, le nombre de mitsvot qui ont été reçues et enseignées par Moïse notre Maître. En outre, il y a deux Mitsvot: « Je suis le Seigneur votre Dieu » et: « Tu n’auras pas d’autres dieux » (Exode 20, 2-3 ), les deux premiers des Dix Commandements, que nous avons entendu de la bouche de le Tout-Puissant, pour un total de 613. » (Talmud Makot 23b, 24a ).

Le Talmud et le midrach disent que le peuple entier n’a entendu que deux commandements de D.ieu (Midrach Rabba Bamidbar 10,1 et Talmud Makot 23b, 24a ; Horayoth 8a)… incapable d’en supporter d’autres. Et les 611 autres lui ont été transmis par Moïse (pour aboutir à 613 mitsvoth). On peut noter que 611 est la valeur numérique du mot TORAH.

Les tsadikim ont donc une récompense dans le Olam azé (ce monde-ci) : les deux premiers commandements qui sont du registre de la foi, alors que les autres sont des interdits et obligations éthiques dont la récompense est dans le Olam abba, le monde qui vient. Dans la profondeur spirituelle de l’existence.

Le juste ne veut pas de récompense en ce monde. Il ne veut pas que la Torah soit un moyen qui lui permette d’avoir de l’argent, d’être en bonne santé, d’être reconnu, de subsister ou de briller… ce qui revient à faire de la Torah un moyen et de D-ieu un super ministre des finances, de la santé, de la culture ou des cultes. D-ieu n’est pas de ce monde, pas plus que la récompense du juste.

Rabbi Tsadok disait : « Ne fais pas des paroles de la Torah une couronne pour t’enorgueillir ni une pioche pour creuser. Car ainsi a dit Hillel : ‘‘Celui qui se sert de la couronne de la Tora comme instrument périra.’’ D’où l’on conclura que celui qui tire un profit mercantile des paroles de Tora ôte sa vie du monde. » (Pirké Avot 4, 7).

Celui qui utilise sa Torah comme une pioche creuse sa propre tombe.

Le tsadik voit ce que ne se voit pas. Il est l’opposé de celui qui ne fait que profiter de ce monde pour en jouir en l’objectivant et donc en s’objectivant lui-même et finalement les autres et qui au bout d’un moment n’a plus besoin de personne, ni des autres ni de Dieu. C’est cela l’idolâtrie, réduire le spirituel et les personnes à des choses sous la main.

Celui qui vit ainsi est déterminé par son regard, il ne peut pas comprendre la profondeur d’amour qui est l’ultime réalité et permet un avenir (Cf Ruth), le « monde qui vient » et qui seule demeure et vaut la peine d’être cherché en ce monde.

La récompense des justes est la émouna (la foi) et le monde qui vient.

Voilà ce que nous disent la Torah lemoché mi Sinaï et les midrachim de Chavouot.

HaTikva !

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Hatikva (l’espoir) a été composée par Naftali Herz Imber (1856, Zolochiv, Galicie austro-hongroise – 1909, New York City) à partir d’une mélodie populaire roumaine.
En 1877 Naftali Herz Imber arrive à Iași en Moldavie roumaine, un an après la naissance dans cette ville du premier théâtre Yiddish. Accueilli chez l’érudit homme d’affaires Moché Waldberg, il entame l’écriture, en hébreu, d’un poème intitulé Tikvatenou (notre espoir):

Notre espoir

Tant qu’au fond du cœur
l’âme juive vibre,
et dirigé vers les confins de l’Orient
un œil sur Sion observe.

Notre espoir n’est pas encore perdu,
cet espoir vieux de deux mille ans
être un peuple libre sur notre terre,
terre de Sion et de Jérusalem.

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Le poème va être transmis, reçu et transformé jusqu’à sa dernière version effectuée en 1905 par Dr. Metmann-Cohen, alors professeur à l’école de Rishon LeZion.

La parole de nos pères et de nos mères est Torah

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Un grand merci à ceux qui nous ont accompagnés :

Le Rav Haïm Harboun

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Le Grand Rabbin Haïm Korsia

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Gaston Madar et Jacob Ouanounou

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Gérard Haddad

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Rabbi Raphaël Ohayon

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Toute notre communauté et nos très proches

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Nos ‘matriarches’

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Ruth Selinger (et Shelomo, Rami…)

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J’ai trouvé cette coupe dans une brocante sur la plage de Saint Cyprien, en Corse. Je l’ai fait réargenter avant de m’apercevoir que c’était un quiddouch juif. Mes ancêtres sont arrivés sur cette plage et ont nommé cet endroit Benciugnu, « On est arrivé au bon endroit ». Y régnaient la malaria et les corsaires turcs. Nous sommes revenus à Israël. La boucle est bouclée.

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L’Éternel, ton Dieu, te prenant en pitié, mettra un terme à ton exil, et il te rassemblera du sein des peuples parmi lesquels il t’aura dispersé. Tes proscrits, fussent-ils à l’extrémité des cieux, l’Éternel, ton Dieu, te rappellerait de là, et là même il irait te reprendre. Et il te ramènera, l’Éternel, ton Dieu […] Et l’Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et celui de ta postérité, pour que tu aimes l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme (Dt 30, 4-6)

 

Beaaloteah’ : comment la « mauvaise langue » peut tuer

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« Moïse, l’homme le plus humble que la terre aie porté » (Nb 12, 13)

Socialisation et émergence de la conscience

La socialisation humaine se produit pas imitation. Pour le petit d’homme, les processus cognitifs se mettent en place par imitation d’une langue, de manières de manger, de vivre, de rêver… d’une morale que le groupe humain estime une manière de s’humaniser c’est-à-dire de survivre en groupe.

Ce processus reproductif a son envers, il produit du « on », de la bien-pensance, qui oublie pourquoi la morale, ce véritable art de vivre qui habite toutes les cultures est née. La loi est fait pour vivre, « Choisis la vie » nous répète la Torah (Dt 30, 19). L’art de vivre peut donc être transformé en prêt à penser, en normalisation mortifère, prête à brûler tout ce qui ne lui ressemble pas ou ce qu’elle avait adoré la veille.

Hanna Arendt a résumé cela en une phrase célèbre :

« A cet égard, l’effondrement moral total de la société respectable sous le régime de Hitler peut nous enseigner qu’en de telles circonstances ceux-qui chérissent les valeurs et tiennent fermement aux normes et aux standards moraux peuvent changer en une nuit… et qu’il ne restera plus que la simple habitude de tenir fermement à quelque chose. Bien plus fiables sont ceux qui doutent et sont sceptiques, non parce que le scepticisme est bon ou le doute salutaire mais parce qu’ils servent à examiner les choses et à se former un avis. Les meilleurs de tous sont ceux qui savent seulement une chose : que quoi qu’il se passe, tant que nous vivrons, nous aurons à vivre avec nous-mêmes. »

Hanna Arendt, Responsabilité personnelle et régime dictatorial , 1964.

La conscience humaine n’est donc pas le produit du groupe mais in fine d’une décision personnelle.

Le processus de bouc émissaire ou de harcèlement dans les groupes humains naît de la volonté d’exclure le différent, le non normé, ce qui ne ressemble pas à un produit de la culture ambiante.

Ce ‘autre’ de la culture dont le juif assume la place parmi les Nations, manifeste la violence normative qui habite toute culture pour se reproduire et subsister, son envers obscure, un non-dit escamoté.

C’est exactement ce qui arrive à Moïse dans la Paracha de ce Chabbat :

« Miryam et Aaron médirent de Moïse, à cause de la femme éthiopienne (kouchite) qu’il avait épousée, car il avait épousé une Ethiopienne » (Nb 12, 1)

En clair, la femme de Moïse Tsipora (Sephora) est noire. Elle ne se fond pas dans la masse.

La perte de l’estime de soi à la racine du lachon hara

Et très curieusement cette particularité renvoie directement Myriam la sœur de Moïse puis Aaron son beau-frère à une crise psychologique profonde… ils se sentent diminués, ils perdent l’estime d’eux-mêmes au point de se dire que eux-aussi sont grands, sont prophètes les égaux de Moïse.

« et ils dirent: « Est-ce que l’Éternel n’a parlé qu’à Moïse, uniquement? Ne nous a-t-il pas parlé, à nous aussi? » » (Nb 12, 2)

Or nous dit le texte en un jeu de mots :

« Véaich Moché anan méod, aadam  acher al penei aadama : Or, cet homme, Moïse, était fort humble, plus qu’aucun homme qui fût sur la terre. » (Nb 12, 3)

En clair Moïse est parmi tous les adam, les humains, celui dont le visage est le plus proche de l’adama, la terre… on ne peut pas être plus bas… donc forcément Aaron et Myriam devraient s’estimer au-dessus de lui. Mais ils veulent le rabaisser plus bas que terre.

D’où vient donc cette distorsion qui les fait se mésestimer , leur fait regarder la réalité en rase moquette et donc les pousse à s’élever en rabaissant Moïse ?

Elle vient du fait que rentrant dans cet immense désert sans repères, où tout n’est qu’immensité et « où hurle la solitude » comme dit la Torah. Myriam et Aaron sont renvoyés à leur faiblesse fondamentale qu’ils vont tenter de compenser en disant du mal.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans l’épisode suivant les explorateurs envoyés en mission voient tous les habitants du pays comme des géants… et eux-mêmes comme des sauterelles, c’est-à-dire même pas des hommes, des insectes. (voir ici ) et eux aussi vont « dire du mal du pays ». Celui qui rabaisse autrui n’est pas grand, il se diminue lui-même.

Alors qu’ils font du lachon hara, de la « mauvaise langue », D-ieu va dire à Myriam et Aaron qu’ils peuvent comprendre des prophéties en songe mais qu’avec Moïse il parle pé al pé « lèvre à lèvre » directement, de manière claire et sans énigme.

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Marc Chagall, Moïse et Aaron

Myriam, Aaron ou les explorateurs vulnérables dans le désert sont donc renvoyés à leur enfance spirituelle et au choix du bien ou du mal, de la mauvaise langue ou de l’accueil de la parole de Dieu qui les structure psychiquement et qui fait Loi. Ils ont le « mal du pays » et exigent viande et poisson peu avant… au point que D-ieu leur envoie la manne. Et cette nostalgie de l’esclavage d’Egypte va les pousser au lachon hara.

La « mauvaise langue » et la mort

Le problème de la mauvaise langue c’est que plus qu’une arme, elle peut tuer à distance. C’est même son objectif. Celle ou celui qui murmure et harcèle à distance les autres est en réalité un être vide, il est considéré comme mort par nos Sages. Il ruine comme une lèpre la sociabilité et la capacité d’entrer en relation en vidant celle-ci de son pouvoir d’échange. Non seulement il s’anéantit mais il nie la personnalité de celui qui l’écoute convié à n’être qu’un support de son vide intérieur.

Myriam est alors atteinte de Tsara, « la lèpre » en hébreu qui se répand de proche en proche par contamination et finit par atteindre tout le groupe dans la violence. Le verbe tsoar signifie « se répandre ». Elle est donc comparée au champignon, à la moisissure, à la rouille. Elle attaque les vêtements comme une rouille ou une moisissure (Lév 13, 47-52). Dans les maisons elle se propage comme un champignon ou une moisissure (Lév 14, 34-53). Ce n’est donc pas la maladie physique qui ne touche que les corps mais une maladie psychique, celle de la médisance qui affecte le corps social et tous les signe de la socialité : l’habit, la maison, toutes ces parois qui enserrent la vie sociale pour mettre en relation, pour la faire vivre comme la membrane de la cellule. Le lépreux, celui qui fait du lachon hara est donc mort et transmet la mort spirituelle, il ruine la profondeur du monde.

Pour nos Sages, le lashon hara, le péché par la langue, est l’expression du Mal absolu, plus grave que le meurtre, l’idolâtrie et la débauche.

Le Maharal de Prague affirme qu’il n’y a pas de pardon divin possible ni de place dans le monde futur pour celui qui s’en rend coupable car la parole synthétise les trois attributs humains – l’intelligence (sechel), le corps (gouf) et l’âme (nefesh) – et le langage médisant, attentant à la spécificité propre de la personne, la dégrade. Plus encore, le Maharal affirme que le lashon hara équivaut à ne pas reconnaître l’existence de Dieu, à nier la profondeur spirituelle de ce monde la capacité de la parole de mettre en relations entre les personnes par amour. On meurt d’abord parce qu’on perd le lien social.

La punition pour cela dans la Torah est l’exclusion du camps, la rupture avec la communauté pour que la mort ne la contamine pas, pendant 7 jours pour Myriam, et à Aaron qui s’étonne D-ieu répond :

« Si son père lui eût craché au visage, n’en serait-elle pas mortifiée durant sept jours? Qu’elle soit donc séquestrée sept jours hors du camp, et ensuite elle y sera admise. » (Dt 12, 14)

Cette impureté (touma), cette mort biblique n’a rien de physique, elle est rituelle, spirituelle, « Tu choisiras la vie ». Celui qui fait du Lachon hara est invité à l’introspection pour comprendre à  quel point il se détruit et détruit le groupe. Sa langue vise à tuer les autres symboliquement, elle répand la violence, ce qui se termine part des suicides et des meurtres réels. Pourquoi demande la Paracha ? Parceque celui qui fait du Lachon hara refuse la paternité de son  père, au point que celui-ci ne le reconnait plus et lui crache au visage.

La destruction du lien social

Le lachon hara est un refus pervers de la Loi qui la célèbre pour en annihiler le pouvoir vivifiant. Celui ou celle qui le pratique se met en retrait de la vie sociale pour la manipuler. Il s’exclut de facto est manipule son entourage pour lui faire vivre les émotions dont il a peur. Un refus de prendre ses responsabilités et de choisir la liberté, de se risquer chaque jour dans la vie qui est un désert dangereux et parfois terrorisant.

Une des formes de cette attitude est le harcèlement via les réseaux sociaux ou les rumeurs chez les ados. Il ne faut pas assimiler ce comportement pervers à une personnalité perverse car l’ado imite et est en cours de formation vers sa personnalité adulte. Mais il s’agit bien du même processus qui vise à nier autrui, celui qui dérange, le « Kouchite », celui qui ne ressemble pas au groupe, à distance de manière froide et sans état d’âme.

Le processus pervers est fondamentalement une peur de s’engager dans la société, de manifester ses émotions, avec le risque de ne pas être entendu, de perdre le contrôle de la situation, d’être jugé. La vie en société suppose la foi dans les autres. Croire qu’eux aussi m’attendent, sont vulnérables. Est mort spirituellement celui qui n’attend plus rien des autres qui ne partage pas avec eux ses émotions et sa vulnérabilité. « Tu choisiras la vie! ».

Choisis la Lumière !

La Paracha de Beaalote ‘ha commence par :

L’Éternel parla à Moïse en ces termes: « Parle à Aaron et dis-lui: Quand tu disposeras les lampes, c’est vis-à-vis de la face du candélabre que les sept lampes doivent projeter la lumière. » Ainsi fit Aaron: c’est vis-à-vis de la face du candélabre qu’il en disposa les lampes, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. Quant à la confection du candélabre, il était tout d’une pièce, en or; jusqu’à sa base, jusqu’à ses fleurs, c’était une seule pièce. D’après la forme que l’Éternel avait indiquée à Moïse, ainsi avait-on fabriqué le candélabre. (Nb 8, 1-4)

Nos Sages se sont demandés pourquoi « en face du candélabre »… les lampes des six branches, qui sont aussi les six jours de la semaine, ont-ils expliqué, sont tournées vers la lumière centrale qui représente l’Eternité. Elles ne brillent pas sans elle. Elles symbolisent Israël tourné vers Dieu. Allumer la lumière c’est accepter de se tourner vers lui pour que ce monde devienne le sanctuaire de D.ieu. Illuminé par D-ieu l’homme grandit, il n’a  plus besoin de rabaisser les autres dans le lachon hara. Il devient un frère, une soeur en humanité sur de son Créateur car il a confiance en Celui qui garantit sa vie. Il peut donc baisser la garde. C’est toute la vie sociale, chaque relation, qui devient la demeure du Trés-Haut, un espace enfin fraternel. La Ménorah manifeste l’unité du corps social (tout d’une pièce : ehad’), Un comme D-ieu est un  quand l’homme est illuminé par sa Lumière.

La bonne nouvelle c’est que même lorsque nous sommes enfermés dans l’ombre nous sommes capables d’ouvrir les yeux, de nous retourner et de voir la Lumière et quel que soit notre éloignement de D-ieu le plus saint comme le plus loin sont tous à la même distance de Lui !

« Debout, resplendis, car voici ta lumière, et sur toi rayonne la gloire de l’Eternel !

קוּמִי אוֹרִי כִּי בָא אוֹרֵךְ וּכְבוֹד יְהוָה עָלַיִךְ זָרָח

Les peuples marcheront à ta lumière, les rois à l’éclat de ton aurore.

וְהָלְכוּ גוֹיִם, לְאוֹרֵךְ; וּמְלָכִים, לְנֹגַהּ זַרְחֵךְ

Lève tes yeux à l’entour et regarde au loin ! Les voilà qui s’assemblent tous et viennent à toi: tes fils arrivent de loin, avec tes filles qu’on porte sur les bras.

שְׂאִי-סָבִיב עֵינַיִךְ, וּרְאִי–כֻּלָּם, נִקְבְּצוּ בָאוּ-לָךְ; בָּנַיִךְ מֵרָחוֹק יָבֹאוּ, וּבְנוֹתַיִךְ עַל-צַד תֵּאָמַנָה

(Is 60, 1-4)

Aaron

Marc Chagall, Aaron et la Ménorah

Menorah

 

Kiddouchine Rachel et Meïr

Israel hi habait cheli (Israël, ma maison)

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 אחרייך אני הולך, מוכן למות למענך,
חושב עלייך כל היום, לישראל אתן הכל

Je marche dans tes pas, je suis prêt à donner ma vie pour toi,
tout le jour je pense à toi, pour toi Israël, je suis prêt à tout te donner 

a’haraykh ani olekh, moukhan lamout lémaanekh
‘hochev alayikh col hayom, léIsrael éten hacol

יש לי ארץ, החלב נוגע בדבש
והישן נושן, עטוף הוא בחדש
והיא יפה קדושה, רבים הרוצים בה
ומי ידע דרכה, מנהיגים רבים לה

J’ai une terre, le lait et miel sont réunis,
et l’antique est revêtu de neuf
Et elle est belle et sacrée, beaucoup la désirent,
Mais qui connaît son destin, celui de ses nombreux dirigeants

Yech li erets, ha’halav noguéa bidvach 
véhayachan nochan atouf hou bé’hadach
véhi yafa kedocha, rabim harotsim ba
oumi yda darka manhiguim rabim la 

 

בית ועוד בית, מקיבוץ עד למושב
ועיר אחת גדולה, עשויה כולה זהב

Une maison et une autre maison, du Kiboutz jusqu’au Mochav
Et une ville grande faite entièrement d’or 

bayt véod bayt, mikibouts ad lamochav
vé ir a’hat gdola, assouia coula zahav

ישראל היא הבית שלי
ישראל החלום שאיתי
ישראל… כאן ועכשיו
ישראל, ישראל

Israël  ma maison,
Israël le rêve qui m’accompagne,
Israël ici et maintenant,
Israël, Israël, 

Israel hi habayt cheli
Israel ha’halom che iti
Israel kan vé archav
Israel Israel

ים יפה כחול, והיא יבשה ממים
ומדבר ירוק,מטל שבשמיים
דור שקבע,דגל כחול לבן
ודור חדש שבא,לנצח את הזמן

Une belle mer bleue, mais la terre est assoiffée d’eau
Et un désert qui verdit de la rosée des cieux
Une génération s’est enracinée, un drapeau bleu et blanc,
Et une génération nouvelle qui vient, victoire sur le temps

אנחנו כאן לעד, לטעת ולבנות
מחלום לתקווה, את ארץ האבות

 Nous sommes ici pour toujours, pour planter et construire,
depuis le rêve jusqu’à l’espoir, la terre de nos ancêtres

אחרייך אני הולך, מוכן למות למענך,
חושב עלייך כל היום, לישראל אתן הכ

Je marche dans tes pas, je suis prêt à donner ma vie pour toi,
tout le jour je pense à toi, pour toi Israël, je suis prêt à tout donner 

a’haraykh ani olekh, moukhan lamout lémaanekh
‘hochev alayikh col hayom, léIsrael éten hacol

 כחול לבן עולה עולה, כחול לבן עולה עולה,
הלב שלנו מתמלא, ישראל עולה עולה

 Bleu et blanc, olé olé, bleu et blanc, olé olé, ca’hol lavan, olé olé
Notre cœur se remplit, Israël 
olé olé, halev chelanou mitmalé

ca’hol lavan olé olé, ca’hol lavan, olé olé
halev chelanou mitmalé, israel olé olé

 

 


Shelomo Selinger

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Shelomo

Photo Rami Selinger

A 13 ans et demi Shelomo a été retrouvé sur un tas de cadavre à Terezin par un officier soviétique juif qui l’a emmené à l’hôpital militaire. En sortant il a été amnésique pendant 7 ans. Il est sorti de l’amnésie par l’art.
La veille de ses 90 ans Shelomo Selinger vient d’achever de tailler la sculpture monumentale qui sera le mémorial de la Shoah à Luxembourg. Il a travaillé comme un forçat et voilà l’oeuvre est née.

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Comme une revanche contre la folie nazie.

Les nazis, que leur nom soit effacé, ont tué son père (zal) en lui faisant aspirer de l’eau sous pression avec un tuyau. Shelomo a dessiné tout cela.

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Shelomo Selinger

C’est toute  la famille de Shelomo, Ruthy sa femme, Rami son fils qui est un jazzman très sensible, sont selon moi un seul et même miracle de la vie. Avec leur sensibilité d’artistes et de chercheurs de mémoire ils ont été pour moi comme des signes de piste par rapport à ma propre amnésie marranne.

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Ruth Selinger

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Rami Selinger

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A mon mariage ma femme Rachel a demandé à Rami de jouer « Sometimes I Feel Like A Motherless Child  » de Louis Armstrong.

C’est la chanson qu’écoutait ma mère quand elle a eu les eaux de ma naissance.

Shlomo, Ruth, Rami, c’est la victoire de la vie. Qu’ils soient bénis !

Am Israël Haï, le peuple d’Israël est tellement, éternellement, vivant.

La catastrophe écologique qui menace les océans est d’abord une cécité spirituelle

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Nous savons aujourd’hui que l’homme semble plus le passager de la vie que son sommet ou son accomplissement. Nous sommes le résultat de milliards d’années de symbiose, de fusion d’organismes.

Loin d’être une exception dans la nature, l’homme doit son existence aux microbes et aux bactéries, vecteurs primordiaux de la vie, qui gouvernent les mécanismes essentiels de la biochimie et ont présidé à l’apparition de la vie sur terre il y a 3,8 milliards d’années. Si on regarde aujourd’hui la longue histoire de l’évolution l’homme arrive seulement en dernière minute, au crépuscule. Les insectes sociaux ont 100 millions d’années et l’homme, seulement 50 000 ans.

Sans des milliards d’années d’une intelligence qui nous dépasse infiniment l’atmosphère terrestre n’aurait pas créé il y a 2,4 milliards d’années l’apparition de l’oxygène et il y a 600 million d’années une atmosphère de 10 kilomètres d’oxygène et d’azote produites par la photosynthèse des algues et des plantes, un bouleversement d’écosystème qui a permis l’apparition d’une couche d’ozone protectrice et l’apparition d’organismes complexes. Cette atmosphère où a surgi l’oxygène puis le vivant se maintient en température et en composition par des lois que nous ne connaissons pas, le composé biochimique humain peut y vivre et respirer. Sans cet écosystème arrivé à son équilibre nous vivrions dans une atmosphère saturée de gaz carbonique et d’azote comme celle qui régna sur terre avant l’apparition des animaux, des plantes et des hommes. Les anciens ont eu l’intuition du lien intime entre la vie profonde de l’homme et la respiration. La nechama, le souffle ou l’âme c’est ce qui respire en hébreu.

Aujourd’hui de nouvelles visions émergent soulignant la dépendance forte entre les formes de vie, mais les anciens, sans nos connaissances micro biologiques modernes, avaient déjà eu cette intuition de l’interdépendance du macrocosme et du microcosme. L’homme est porté par la vie biochimique dont il vient et à laquelle il retourne, une loi mystérieuse en permet la persistance dans l’être, l’homéostasie.

Pour la Torah l’homme vient de la terre symbole de cette biochimie organique qui porte la vie et y retourne ; de cette « terre » fabriquée par les bactéries qui vivent dans le sol et rend possible la vie végétale.

« jusqu’à ce que tu retournes à la terre d’où tu as été tiré: car poussière tu fus, et poussière tu redeviendras! » (Gn 3, 19)

Notre planète est donc devenue « la Terre » dans le langage commun. Les mots « humble », « humain » viennent de humus, la terre. Nous sommes donc hébergés par cette vie qui nous dépasse, par cet écosystème naturel dont la terre est le parfait symbole.

Pour la Torah l’homme est le gardien de cet écosystème hydro végétal. L’éthique biblique n’est autre qu’un choix de survie humaine et écologique. Le second paragraphe du Chema souligne cette interaction et cette continuité entre l’éthique humaine et l’écosystème terrestre du vivant.

« Et ce sera, si vous écoutez bien Mes commandements que Je vous ordonne aujourd’hui, d’aimer l’Éternel votre Dieu et le servir de tout votre coeur et de toute votre âme. Je donnerai la pluie de votre terre en son temps, averse d’automne et ondée printemps, et tu récolteras ton blé, ton vin et ton huile. Je donnerai l’herbe dans ton champ pour ton bétail, tu mangeras et tu seras rassasié. Gardez-vous de laisser séduire votre coeur, de vous écarter et de séduire d’autres dieux, de vous prosterner devant eux. La colère de l’Éternel s’enflammerait contre vous. Il fermerait les cieux, il n ‘ y aurait plus de pluie et la terre ne donnerait plus sa récolte, et vous disparaîtriez bientôt du bon pays que Dieu vous donne. Mettez ces paroles que Je vous énonce, dans votre coeur et dans votre âme, attachez-les comme signe à votre main et qu’elles soient en fronteau entre vos yeux. Vous les enseignerez à vos fils, pour vous en entretenir assis dans votre maison, en marchant sur le chemin, en se couchant et en se levant. Tu l’écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes afin que se multiplient vos jours et ceux de vos enfants sur la terre que Dieu à juré à vos pères de leur donner, comme les jours des cieux sur la terre » (  Deutéronome 11, 13-21)

L’homme n’est donc pas le souverain de la création mais son gardien. Il peut décoder l’ADN, comprendre les mécanisme micro moléculaires de la vie, maitriser le cycle de l’eau, dominer, l’agriculture, reconstruire des intelligences artificielles semblables aux algorithmes naturels qui gagnent leur propre autonomie, il reste dépendant du substrat biochimique qui le compose, de la chimie qui permet ses émotions, ses sentiments, l’homéostasie de son corps et de ses systèmes nerveux, endocriniens, circulatoires… sans lesquels il ne survivrait pas une minute. Les bactéries ont non seulement toujours vécu avec les hommes mais elles font partie de nous. Notre corps possède 30 mille milliards de cellules, nous sommes donc composés de 39 mille milliards de bactéries.

L’homme dépend de la biochimie dont la terre est le symbole. Composé à 80% d’eau où vivent des cellules et bactéries il garde en lui la mémoire de l’océan primitif ou les premières formes de vie sont apparues il y a 3,8 milliards d’années sans que nous sachions comment. Nous savons aujourd’hui que l’homme est capable de détruire l’écosystème des océans où est née la vie, où pendant deux milliards d’années des cellules ont constamment transformé la surface et l’atmosphère terrestre.

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L’océan joue un rôle déterminant dans l’écosystème de notre planète. En 55 ans, l’Homme a effacé 90 % des plus grands prédateurs des océans, en 40 ans près de la moitié des espèces marines a disparu. Les massifs coralliens menacés par le réchauffement climatique recèlent 25% des espèces vivante sous marines. Les plastiques que nous rejetons changent définitivement la composition de leurs gouttes d’eau et créent des continents sans vie. La destruction de l’écosystème des océans est non seulement une catastrophe écologique mais aussi une catastrophe spirituelle. Elle signe l’inconscience de chacun de nous face à ce que nous avons reçu en héritage de milliards d’années.

C’est cette réalité apparue à la dernière minute de la création ou au sixième jour du temps que la Torah nomme Adam, celui qui est tiré d’adama, la terre. L’étrange loi qui gouverne à l’apparition et au maintien dans l’être du cosmos et du microcosme qu’elle traverse nous est inconnue.

Les hommes de la Torah ont renoncé à désigner avec des mots de ce monde, ce qui signifierait saisir, ce « lieu » originel du monde. A maqom.

Durant les 3 semaines qui vont du 17 Tamouz a Ticha be Av nous autres juifs prenons le deuil du Temple détruit, ce temple qui était au coeur de notre vie sociale et spirituelle a été détruit à cause de la cécité spirituelle d’Israël ont dit nos Sages. L’humanité devrait prendre conscience de sa cécité spirituelle et du fait qu’elle détruit le « temple » de sa vie.

Le rire de Rabbi Akiba au milieu des pleurs de Ticha BeAv

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Nous vivons les 3 semaines qui séparent le 17 Tamouz de Ticha BeAv (samedi repoussé à dimanche) et les 9 jours avant Ticha Be Av (jour de jeune anniversaire de la destruction des deux temples). Jours de deuil et d’affliction. « Qui ne pleure pas la destruction du Temple n’aura pas la joie du monde qui vient » dit le Talmud. Faut-il rire ou pleurer ? Un souvenir de deuil du Temple qui est évoqué paradoxalement un jour de Sim’ha, celui où nous brisons le verre du kiddouchine (mariage). Comme si notre joie juive était toujours mêlée de pleurs et notre tristesse d’espoir.

Mariage

C’est un grand mystère que celui de la Sim’ha et les maîtres hassidiques nous l’ont montré. Rabbi Nahman de Bratslav en faisait le plus haut commandement : « Mitzvah Gedolah Le’hiyot Besim’ha Tamid »

Tsahal

« Et les places de la cité seront pleines de jeunes garçons et de jeunes filles qui s’ébattront sur ses places. » (Za 8, 4)

Le Talmud au traité Makkot page 24b (verso), se termine par une histoire paradoxale :

« Il arriva encore une fois que Rabban Gamaliel, Rabbi Elazar ben Azaria, Rabbi Josué et Rabbi Akiva se rendirent à Jérusalem. Quand ils atteignirent le mont Scopus, ils déchirèrent leurs vêtements. Quand ils arrivèrent au Mont du Temple, ils virent un renard qui sortait du lieu du Saint des Saints. Les autres se mirent à pleurer ; Rabbi Akiva rit.

Ils lui dirent : « Pourquoi ris-tu ? »

Il leur répondit : « Pourquoi pleurez-vous ? »

Ils lui dirent : « Un lieu [tellement saint] qu’il en est dit : “L’étranger qui l’approche mourra” (Nb 1,51) sur lequel s’est maintenant accompli : “Pour le mont Sion en ruines, traversé par les renards”, (Lamentations 5, 18) nous ne devrions pas pleurer ? »

Il leur dit : « C’est pour cela que je ris. Car il est écrit : “Je ferai témoigner en ma faveur des témoins fidèles, Urie le prêtre et de Zacharie, fils de Yebarékhyahou.”(Is 8, 2)

Quel est le lien entre Urie Et Zacharie ? Urie vécut à l’époque Premier Temple, et Zacharie à l’époque du Second Temple ! La Torah fait cependant dépendre la prophétie de Zacharie de celle d’Urie. Avec Urie, il est écrit : “C’est pourquoi, à cause de vous Sion sera labourée comme un champ ; [Le temple détruit Jérusalem redevient une terre inculte.] (Michée 3, 12). Avec Zacharie, il est écrit : “De vieux hommes et de vieilles femmes s’assiéront encore dans les rues de Jérusalem.”. (Za 8,4). Tant que la prophétie d’Urie ne s’était pas accomplie, je craignais que la prophétie de Zacharie s’accomplisse pas non plus. Mais maintenant que la prophétie d’Urie s’est accomplie, il est certain que la prophétie de Zacharie s’accomplira elle aussi. »

Sur ces mots, ils lui répondirent : « Akiva, tu nous as consolés ! Akiva, tu nous as consolés ! »

Jérusalem (2)

« De nouveau des vieux et des vieilles seront assis sur les places de Jérusalem, tous un bâton à la main à cause de leur grand âge » (Za 8,4)

L’attitude de Rabbi Akiba est paradoxale. N’est-ce pas le même Akiba qui dans le Pirké Avot 3, 13 est cité comme un « triste sire » mutique et qui là rit alors qu’un renard sort des ruines fumantes du Temple cœur du judaïsme  :

Rabbi Akiba dit : « La plaisanterie et la frivolité accoutument l’homme à la licence. La transmission [de la Loi orale] préserve la Torah ; les dîmes préservent la richesse ; les vœux préservent l’abstinence ; la préservation de la sagesse, c’est le silence. » (Pirké Avot 3, 13)

Comment comprendre cette histoire qui clôt le traité Makkot dans le style ramassé qui est celui du Talmud ?

Isaac Abravanel au XVIème siècle, lui qui a cru que l’expulsion des juifs un jour de Ticha beAv 1492 de la péninsule ibérique était les Hevlei Hamachia’h, les douleurs d’enfantement du Messie et l’aube de la Rédemption note toutes les incohérences de cette pages du Talmud [1].

  1. Urie le prêtre, contemporain d’Achaz, avait construit à Damas une réplique de l’autel [CF 2 R 16, 11 : Ourla, le pontife, construisit un autel semblable et l’exécuta tout à fait selon le modèle que le roi Achaz lui avait expédié de Damas, avant même le retour d’Achaz de cette ville]. Ce n’était donc pas un « témoin fidèle » mais un pécheur qui suivait un roi.
  2. Le prophète Zacharie a prophétisé à propos du Deuxième Temple (plus de deux siècles plus tard) et non sur les tribus exilées par les Assyriens. Comment pourrait-il être un « témoin ». Quant à l’autre Zacharie, B ; Yehoyada, il est mort cent un ans avant Isaïe.
  3. Comment pourraient-ils être les des « témoins » (‘edim) d’un moment d’isolement des époux (puisque c’est de la conception de l’enfant qu’il va être aussitôt question) ? [Se réfère à Is 8, 4 : « Car l’enfant ne saura pas encore dire : Mon père, ma mère, que déjà on emportera devant le roi d’Assyrie les richesses de Damas et les dépouilles de Samarie »]
  4. Que dire de faits qui se produiraient avant que l’enfant sache nommer ses parents (puisque la ruine de Samarie eut lieu la sixième année du règne d’Ezéchias, l’enfant né au début de celui d’Achaz aurait donc eu dix-sept ou dix-huit ans) ?
  5. Il est difficile qu‘Urie prophétise contre Achaz, roi de Juda, en annonçant la ruine non de Juda mais de la Samarie, en quoi alors témoigne-t-il sur lsaïe ? De plus, des témoins, selon la Loi, doivent se trouver ensemble présents sur le lieu du fait, or cela supposerait qu’Urie ait vécu cent cinquante-trois ans et Zacharie deux cents ans ; Urie (de Jérusalem) a prophétisé sur Jérusalem, on parle ici de la Samarie ; Zacharie a parlé du Second Temple, on parle ici du royaume d’Israël ; comment peuvent-ils témoigner à propos d’lsaïe et de son isolement avec sa femme ? Et, s’il s’agit d’homonymes inconnus, alors à quoi bon donner leurs noms ?

Il faut donc penser qu’il s’agit de témoigner au sujet de Dieu et que l‘espace vide dans le parchemin est destiné à recueillir les trois témoignages des prophètes : Isaïe, qui témoignera de la destruction de Samarie et de Damas par les Assyriens ; Urie, qui allait prophétiser la destruction de Juda et de Jérusalem par Nabuchodonosor ; Zacharie, qui allait annoncer la reconstruction du Temple : une destruction est donc bien suivie d’une consolation.

Voilà ce que dit Abravanel. Lui qui courut l’Espagne et leva autant d’argent qu’il a pu pour soudoyer Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les suppliant de ne pas expulser des femmes, des enfants et des vieillards promis à une mort certaine.

Ce qui unifie les « témoignages » d’Urie et d’Isaïe c’est qu’une destruction est toujours suivie d’une consolation. Si la première prophétie qui concerne le premier temple s’est accomplie comment la seconde concernant le Second Temple ne s’accomplirait-elle pas ?

La répétition deux fois deux fois de « tu nous a consolés » dit l’unité des deux prophéties.

Le rire d’Akiba est une manière de dire : même si un renard sort du saint des saints nous sommes toujours là, vivants !

Toute le tradition juive est remplie de ce paradoxe du rire et des pleurs.

  • Les Hevlei Hamachia’h, les douleurs d’enfantement du messie, annoncent la Rédemption
  • Les tsadikim meurent pour les impies. Leur mort rachète les rechaim.
  • Le mal selon la vision du Maharal et des kabbalistes se rejoint avec le bien, les jumeaux Esaw et Jacob sont les deux figurent antithétiques d’une même réalité dont la tension est créatrice et productive. C’est de leur tension que nait la création comme en gestation d’enfantement.

Dans son développement sur ce passage, R. Yaakov Ettinger, 1798-1871 (Allemagne) auteur du ‘Aroukh laNer présente la destruction du Temple non pas comme une calamité mais aussi une marque de bonté divine. Dieu a déversé Sa colère sur du bois et des pierres afin de préserver le peuple d’Israël. Paradoxe donc.

Il n’y a pas d’autre réponse à cela que le rire mêlé de larmes. Comme Rabbi Akiba nous devons savoir rire au milieu des ruines.

Ainsi parle l’Eternel-Cebaot: « De nouveau des vieux et des vieilles seront assis sur les places de Jérusalem, tous un bâton à la main à cause de leur grand âge. Et les places de la cité seront pleines de jeunes garçons et de jeunes filles qui s’ébattront sur ses places. […] Ainsi parle l’Eternel-Cebaot: « Oui, certes je vais, par mon secours, retirer mon peuple de l’Orient et du pays du soleil couchant. Et je les ramènerai pour qu’ils habitent dans Jérusalem; ils seront mon peuple, et moi, je serai leur Dieu en vérité et en justice. » (Za 8, 4-8)

De notre vivant nous avons vu la réalisation de la prophétie.

 

[1] Voir L’exégèse d’Isaïe 8, 1-8,p ar Maurice Ruben Ayoun, pg

La Sanctification du Nom

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Shelomo ChemaUn jour j’ai demandé à Shelomo Selinger pourquoi les personnages de ses sculptures se cachaient les yeux comme lorsque nous disons la prière le Chema Israël (Ecoute Israël) le matin et le soir.

Chema Shelomo2

Il m’a répondu :

 » Un jour, les nazis ont convié toute la ville au ‘spectacle’ de la pendaison d’une douzaine de juifs. J’étais en face de l’arbre et j’ai vu mon moniteur des jeunesses sionistes. Il a été pendu et avant de mourir, je l’ai entendu réciter une dernière prière, il disait le Chema Israël, mais il n’a pas pu finir.  » 

Lisez cet article bouleversant, une interview de Noémie Halioua où Shelomo Selinger raconte son chemin, à lire absolument en ce temps de Ticha be Av : lire ici

 

Yad5

 

AJ1

Sculpture de Shelomo Selinger, Yad Vachem, allée des justes

Voici le mémorial pour les Juifs de Luxembourg, inauguré le 17 juin en présence du grand Duc et la grande Duchesse de Luxembourg.

Memoria ebraica di u nostru Paese

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אֵלִי אַתָּה וְאוֹדֶךָּ אֱלֹהַי אֲרוֹמְמֶךָּ

Eli Atta veodeyka Eloaï arromemeyka

Sì u mio D-iu è ti ludaraghju;
Mio D-iu ! t’esaltaraghju.

« Tu es mon D-ieu, je te rends grâce, mon D-ieu ! je t’exalte. »

(Ps 118, 28)

Tradition orale d’un paesanu du Niolu :

« En Corse il y a des hommes, des femmes et les maccabi ».

Ce terme ne désigne pas les mazzeri ou les âmes mais des corses spéciaux.

En hébreu Makabim est l’acronyme de : Mi kamocha Ba’elim Adonai : « Qui est comme toi parmi les dieux Seigneur? ».

מִי כָמֹכָה בָּאֵלִם יְהוָה  מִי כָּמֹכָה נֶאְדָּר בַּקֹּדֶשׁ נוֹרָא תְהִלֹּת עֹשֵׂה פֶלֶא

Qui t’égale parmi les dieux, Éternel? Qui est, comme toi, paré de sainteté; inaccessible à la louange, fécond en merveilles? (Ex 15, 11)
Prière du matin

 

Yedid Nefesh, « Amant de l’âme »

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Alta Rocca

Yedid Nefesh, « Amant de l’âme » est un poème liturgique que l’on chante à Chabbat. Il a été composé au XVIè siècle par Rabbi Elazar ben Moshe Azikri (1533 – 1600), auteur du Sefer haredim. Il exprime l’amour intense que l’on doit ressentir pour D-ieu.

Chacun des quatre versets a pour première lettre l’une des quatre lettres du Tétragramme, le Nom ineffable. ( YHWH )

Youd
« Bien-Aimé de l’âme, Père miséricordieux, incite Ton serviteur à réaliser Ton désir. Il accourra alors comme un cerf, pour se prosterner devant Ta grandeur !
Douce est pour lui Ton affection, plus suave que le miel le plus pur »


« Source rayonnante de ce monde, mon âme languit, dolente de Ton amour. Je T’implore, mon Dieu, guéris-la donc, en lui dévoilant la splendeur de Ton éclat !
Elle se ranimera et la santé elle recouvrera, pour Te servir à jamais »

Vav
« Ô Vénérable, que s’éveille Ton émoi, prends en pitié Ton fils qui Te chérit tant. Car au plus profond de lui, à contempler la magnificence de Ta puissance il aspire !
Je T’en prie, mon Dieu, désir de mon âme, ne tarde pas, ne Te dérobe pas »


« Révèle-Toi, Ami intime, sur moi déploie Ton pavillon de paix. Éveille la Terre à Ta gloire, et nous exulterons, ferons éclater notre joie !
Hâte-Toi, Bien-aimé, il me tarde de te rencontrer. Accorde-moi, je Te prie, Ta tendresse comme au temps passé »

יְדִיד נֶפֶשׁ, אָב הָרַחְמָן
מְשךְ עַבְדָךְ אֶל רְצונָךְ
יָרוּץ עַבְדָךְ כְמו אַיָל
יִשְתַחֲוֶה מוּל הֲדָרָךְ
כִי יֶעְרַב לו יְדִידוּתָךְ
מִנּפֶת צוּף וְכָל טָעַם

הָדוּר, נָאֶה, זִיו הָעולָם
נַפְשִי חולַת אַהֲבָתָךְ
אָנָא אֵל נָא, רְפָא נָא לָהּ
בְהַרְאות לָהּ נעַם זִיוָךְ
אָז תִתְחֵזֵק וְתִתְרַפֵא
וְהָיְתָה לָךְ שִפְחַת עולָם

וָתִיק, יֶהְמוּ רַחֲמֶיךָ
וְחוּס נָא עַל בֵן אוהֲבָךְ
כִי זֶה כַמֶה נִכְסף נִכְסַף
לִרְאות בְתִפְאֶרֶת עֻזָךְ
אָנָא אֵלִי, מַחְמָד לִבִי
חוּשָה נָא, וְאַל תִתְעַלָם

הִגָלֵה נָא וּפְרשׂ, חָבִיב
עָלַי אֶת סֻכַת שְלומֶךְ
תָאִיר אֶרֶץ מִכְבודָךְ
נָגִילָה וְנִשְׂמְחָה בָךְ
מַהֵר, אָהוּב, כִי בָא מועֵד
וְחָנֵנִי כִימֵי עולָם

Seli’hot : 13 est l’autre nom de l’amour

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« Le Saint, béni soit-il, voulut créer le monde selon l’attribut de rigueur [comme les lois implacables du cosmos], mais constatant que le monde ne pourrait subsister il ajouta l’attribut de miséricorde »
(TB Berakhot 31b)

Nos Sages ont enseigné que « le repentir est si grand qu’il atteint le Trône de gloire » (Yoma 86a)

Selihot

Dans les communautés séfarades, on récite les Seli’hot (« pardons ») pendant tout le mois d’Eloul qui va vers Roch Achana. Nous implorons la clémence divine pour nos fautes. « D-ieu te répondra au jour de la détresse » (Ps 20, 2).

Ce Vidouy – « Reconnaissance » est suivi de la récitation des treize attributs de la miséricorde divine contenus dans Exode 34, 6-7. Vayavor Adonaï al panaïv, vayqra…

ו וַיַּעֲבֹר יְהוָה עַל-פָּנָיו, וַיִּקְרָא, יְהוָה יְהוָה, אֵל רַחוּם וְחַנּוּן–אֶרֶךְ אַפַּיִם, וְרַב-חֶסֶד וֶאֱמֶת.

6 La Divinité passa devant lui et proclama: « ADONAÏ est l’Étre éternel, tout puissant, clément, miséricordieux, tardif à la colère, plein de bienveillance et d’équité;

ז נֹצֵר חֶסֶד לָאֲלָפִים, נֹשֵׂא עָוֺן וָפֶשַׁע וְחַטָּאָה; וְנַקֵּה, לֹא יְנַקֶּה–פֹּקֵד עֲוֺן אָבוֹת עַל-בָּנִים וְעַל-בְּנֵי בָנִים, עַל-שִׁלֵּשִׁים וְעַל-רִבֵּעִים.

7 il conserve sa faveur à la millième génération; il supporte le crime, la rébellion, la faute, mais il ne les absout point: il poursuit le méfait des pères sur les enfants, sur les petits-enfants, jusqu’à la troisième et à la quatrième descendance. »

ח וַיְמַהֵר, מֹשֶׁה; וַיִּקֹּד אַרְצָה, וַיִּשְׁתָּחוּ.

8 Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna;

13 attributs de D-ieu

Le mot « é’had » qui signifie « Un » a également la valeur numérique de 13.

Ce chiffre 13 est aussi la valeur numérique de ahava, l’amour, qui a une valeur numérique de 13.

La somme de l’amour et de l’Un, de ahava et de é’had, est 26, qui est la valeur numérique du Nom divin.

C’est pourquoi on répète 26 fois le Vaya’avor (2 x 13) à Kippour.

Quand nous faisons la somme de toutes nos (grandes!) qualité et aussi de nos petits défauts…. puis de nos bonnes actions et des moins bonnes… nous n’allons, hélas, pas bien loin… La proclamation de l’amour de D-ieu pour sa créature est in fine le seul appui qui reste à l’homme. qui implore la miséricorde : Rahem, « pitié ! »; Rahamim, « la miséricorde », un mot réhem qui désigne la matrice féminine, l’utérus, les entrailles de D-ieu qui a pitié de sa créature comme une femme de l’enfant de ses entrailles.

 » Rabah a dit au nom de Rab: «Le jour se compose de douze heures; Au cours des trois premières heures, le Saint, béni soit-il, s’occupe de la Torah, pendant les trois suivantes, il siège pour le jugement sur le monde entier, et quand il voit que le monde est si coupable qu’il mérite la destruction, il se déplace Lui-même du trône de la Justice au trône de la Miséricorde… » (TB Avoda Zara 3b)

 » Tout est entre les mains des cieux sauf la crainte des Cieux  » (TB Berakhot 33b)

« Quel D-ieu est semblable à toi, qui pardonnes l’iniquité, qui oublies les péchés du reste de ton héritage ? Il ne garde pas sa colère pour toujours, car il prend plaisir à la miséricorde (hessed). » (Mi 7, 18)


Seli’hot : le monde repose sur le « hessed », la générosité

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Marc Chagall, les fiancés, 1932

Le Hessed, qu’on peut traduire par générosité, bienveillance, bonté est l’un des treize attributs dits de « miséricorde ». Manifester son hessed n’est jamais évident, en recevoir parfois pas plus. Donner sans rien attendre est rare. Quelques éclairages :

Donner sans condition

Le hassid, le fidèle, c’est cet homme pieux des psaumes empli d’amour et de gratitude envers l’Eternel. Hassida c’est la cigogne car elle revient chaque année. Fidèle.

 » Voici les devoirs qui n’ont pas de limites : l’abandon de l’angle du champ aux nécessiteux lors de la moisson ; le sacrifice lors des visites au Temple et à l’occasion des fêtes de pèlerinage ; les actes de bonté et l’étude de la Torah. » ( Maïmonide, Mishné Torah, traité Hilkhot Tefillah 1, 4.)

L’acte de charité d’abandon du coin du champs pour le glaneur pauvre ne connait pas son bénéficiaire. La générosité est sans condition.

« Le monde repose sur l’amour » (hessed)

La bonté est l’un des trois piliers sur lesquels repose le monde :

« Chimone le Juste fut parmi les derniers des Hommes de la Grande Assemblée. Il disait :  »Le monde repose sur trois piliers : [L’étude de] la Torah, le service [de Dieu] et les actes de bienveillance (Gmilout hassadim). » » (Pirké Avot 1, 2)

Le hessed, la bonté est le début et la fin de la Torah :

« R. Simlai a expliqué: La Torah commence par un acte de bienveillance (Gemilout hassadim, lit., «faire des actes de bonté») (Gn 3, 21) et se termine par un acte de bienveillance. Cela commence par un acte de bienveillance, car il est écrit: Et le Seigneur Dieu a fait pour Adam et pour sa femme des manteaux de peau et les a vêtus; et cela se termine par un acte de bienveillance, car il est écrit: et il l’a enterré dans la vallée ». (TB Sotah 14a)

La hassidout est donc l’essence de l’être créé, le cœur de la création, un des attributs qui la relient à l’éternel.

« Quel Dieu est semblable à toi, qui pardonnes l’iniquité, qui oublies les péchés du reste de ton héritage ? Il ne garde pas sa colère pour toujours, car il prend plaisir à la bonté (hessed). » (Michée 7, 18)

« Je t’aime d’un amour éternel ; c’est pourquoi je te conserve ma bonté (hessed). » (Jr 31, 3)

Amour et vérité

La bonté envers un mort, la hevra kaddicha est un hésèd chel émèt, une « bonté en vérité », car c’est un acte totalement gratuit, qui n’attend rien en retour. C’est Abraham sur son lit de mort disant à Joseph :

« Use envers moi de grâce (héssèd) et de vérité (émèt) : ne m’enterre pas en Égypte, mais aux côtés de mes parents » (Gn 18).

L’amour généreux est lié à la vérité dans l’énoncé des 13 attributs divins. La vérité au centre (7ème attribut, 6 avant, 6 aprés) est entourée en chiasme deux fois par la bonté (hessed). La vérité est donc au coeur des noms de D-ieu mais comme nous n’en sommes pas capables l’amour l’entoure.

 » Vérav hessed veémet notser héssed, Plein d’amour et de vérité qui conserve son amour… »

Et le psaume confirme cette alliance de la vérité et de l’amour :

« l’amour (hessed) et la vérité (emet) se rencontrent, la justice (tsedakaà et la paix (Chalom) s’embrassent » (Ps 85, 11)

une vérité dite sans bonté ne vaut rien, un amour sans vérité est une tromperie.

Hassidim

Cette générosité qui n’attend rien inscrit l’homme dans sa vérité dans l’être, le rétablit dans le flux de générosité de D-ieu à chaque instant pour sa création. Le simple fait d’être vivant, créé à chaque instant est un miracle de la grâce et de la science.

Le hassid, cet homme pieux, est décrit pas le Pirqé Avot :

Il y a quatre attitudes chez les individus. Celui qui dit : « Ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à moi » : c’est l’inculte (am haarets) ; [celui qui dit :] « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi » : c’est l’attitude intermédiaire. Certains affirment que c’est l’attitude [des gens] de Sodome. [Celui qui dit :] « Ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à toi » : c’est le pieux (hassid) ; [celui qui dit :] « Ce qui est à toi est à moi et ce qui est à moi est à moi : c’est le méchant. (Pirkei Avot 5, 10)

 » Il y a quatre attitudes parmi ceux qui donnent : celui qui souhaite donner, mais que les autres ne donnent pas : il voit d’un mauvais œil [la bonté] des autres [et la récompense qu’ils en recevront] ; celui qui souhaite que les autres donnent, mais ne souhaite pas donner lui-même : il voit d’un mauvais œil [la dépense de] son argent ; celui qui souhaite donner et que les autres donnent : c’est le pieux (hassid) ; celui qui ne souhaite ni donner ni que les autres donnent : c’est le méchant. » (Pirké Avot 5, 13)

Dans la Amida on appelle la grâce sur les hassidim immédiatement après les tsadikim (sages) : al ha-Tsaddiqim veal ha-Hassidim.

Les psaumes sont remplis de ces hassidim qui espèrent en D.

א הַלְלוּ-יָהּ:
שִׁירוּ לַיהוָה, שִׁיר חָדָשׁ; תְּהִלָּתוֹ, בִּקְהַל חֲסִידִים.
1 Alléluia! Chantez à l’Eternel un cantique nouveau, que ses louanges retentissent dans l’assemblée des hommes pieux (hassidim) !

ד כִּי-רוֹצֶה יְהוָה בְּעַמּוֹ; יְפָאֵר עֲנָוִים, בִּישׁוּעָה.

4 Car l’Eternel prend plaisir à son peuple, il entoure les humbles (anavim) de salut comme d’une parure.

ה יַעְלְזוּ חֲסִידִים בְּכָבוֹד; יְרַנְּנוּ, עַל-מִשְׁכְּבוֹתָם.

5 Les hommes pieux (hassidim) peuvent exulter avec honneur, entonner des chants sur leurs lits de repos.

ו רוֹמְמוֹת אֵל, בִּגְרוֹנָם; וְחֶרֶב פִּיפִיּוֹת בְּיָדָם.

6 Des hymnes louangeurs de D-ieu sur les lèvres, une épée à deux tranchants dans leur main,

Le psaume 100

ה  כִּי-טוֹב יְהוָה, לְעוֹלָם חַסְדּוֹ;    וְעַד-דֹּר וָדֹר, אֱמוּנָתוֹ. 5 Car l’Eternel est bon, sa grâce (‘hessed)  est éternelle, sa bienveillance (‘hessed) s’étend de génération en génération.

le psaume 103

יז  וְחֶסֶד יְהוָה, מֵעוֹלָם וְעַד-עוֹלָם–    עַל-יְרֵאָיו;
וְצִדְקָתוֹ,    לִבְנֵי בָנִים.
17 Mais la grâce (‘hessed) du Seigneur dure d’éternité en éternité en faveur de ceux qui le craignent; sa bienveillance (tsédaka) [s’étend] aux enfants des enfants

Le psaume scande ki léolam ‘hasdo. « Car sa bonté est éternelle ».

Hessed et tsedaka

Le hessed n’est pas la tsedaka, cet acte de charité qui rétablit la justice (tsedek). Elle lui est suppérieure.

La bienfaisance – Gemilout Hassadim – est supérieure à la tsédaqah en trois points : la tsédaka se fait avec de l’argent ; la bienfaisance s’accomplit par un service personnel ou avec de l’argent ; la tsédaka ne s’exerce qu’envers le pauvre ; la bienfaisance peut être dispensée au pauvre et au riche ; la tsédaka ne peut être faite qu’au vivant ; la bienfaisance atteint les vivants et les morts. (TB Soucca 49b)

La générosité est souvent associée à la vérité dans la Torah et les tehilim :

« Quand l’Eternel nous aura livré ce pays, nous agirons à ton égard avec bienveillance (hessed) et loyauté (émèt)  » (Jos 2, 24)

Le penchant naturel de l’homme est de repousser les autres mais il doit laisser une part de lui même qui accueille, sa main droite doit être généreuse « Toujours laisser la main gauche repousser et la main droite rapprocher » :

 » Nos rabbins ont enseigné: Elisée était atteint de trois maladies: l’une parce qu’il avait soulevé les ours contre les enfants, l’autre parce qu’il avait chassé Gehazi avec ses deux mains, et l’un d’entre eux était mort; comme il est dit: Maintenant, Elisée était tombé malade de sa maladie dont il est mort (2R 13, 14).

Nos rabbins ont enseigné: Toujours laisser la main gauche repousser et la main droite rapprocher. Pas comme Elisée qui a chassé Gehazi avec ses deux mains (et pas comme R. Joshua b. Perahiah qui a poussé un de ses disciples avec ses deux mains) » ( TB Sotah 47a)

Chant de Chabbat : « Yom Zel L’Yisraël »

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Yom zeh le’yisrael orah vesimchah, Shabbat menuchah.

Tzivita pekudim, bema’amad har sinai. Shabbat umo’adim, lishmor bechol shanai. La’aroch lefanai, maseit ve’arucha. Shabbat menuchah.

Hemdat haLevavot l’umah sh’vurah, Linfashot n’chavot neshamah yeteirah, L’nefesh m’tzeirah yasir anachah, Shabbat menucha.

Kidashta beirachta, oto mikol yamim. B’sheishet kilita m’lechet olamim. Bo matzu agumim, hashkeit uvitcha. Shabbat menucha.

L’isur melacha, tzvitanu nora. Ezkey hod melucha, im shabbat eshmorah. Akriv shai lamora, mincha merkacha. Shabbat meucha.

Ve’ashir arach lach, benigun vene’eema, mul tiferet gadlach, nafshi lach kamah, lisgulah temima, kayem havtacha.
Shabbat menucha.

Ratza tefilati, kemo korban nachshon, veyom menuchati, berina uvsason, chaviv kivat ishon, berov hatzlacha.
Shabbat menucha.

Yishecha kivinu, yah adir adirim, ben david malkenu, shlach na leivrim, veyikra ledrorim, ruach vehanacha.
Shabbat menucha.

Ana elyon norah, hebitah aneinu, padenu bemehera, chanenu chanenu, samach nafsheinu, beor vesimcha.
Shabbat menucha.

Chadeish mikdasheinu zachra naherevet. Tuvcha moshieinu tena lanehtzevet. B’shabbat yoshevet, b’zemer u’shvacha. Shabbat menucha.

Zachor kadosh lanu, bizchut yekarat hayom, shmor na otanu, bayom zeh uvchol yom, dodi tzach veayom, tavi rucha.
Shabbat menucha.

Kol rina vishua, leyisrael hishmiah, bevo chezyon teshua, tzur matzmiach yeshua, or shimshi hofia, tamid hazricha.
Shabbat menucha.

יוֹם זֶה לְיִשְׂרַאֵל אוֹרָה וְשִׂמְחָה שַׁבָּת מְנוּחָה

צִוִּיתָ פִּקּוּדִים בְּמַעְַמַד הַר סִינַי,
שַׁבָּת וּמוֹעֲדִים לִשְׁמוֹר בְּכָל שָנַי,
לַעֲרוֹך לְפָנַי מַשְׂאֵת וַאֲרוּחָה,
שַׁבָּת מְנוּחָה.

חֶמְדַּת הַלְבָבוֹת לְאֻמָּה שׁבוּרָה,
לִנְפָשׁוֹת נִכְאָבוֹת נְשָׁמָה יְתֵרָה,
לְנֶפֶשׁ מְצֵרָה יָסִיר אֲנָחָה,
שַׁבַּת מְנוּחָה.

קִדַּשְׁתָּ בֵּרַכְתָּ אוֹתוֹ מִכָּל יָמִים,
בְּשֵׁשֶׁת כִּלִּיתָ מְלֶאכֶת עוֹלָמִים,
בּוֹ מָצְאוּ עֲגוּמִים הַשְקֵט וּבִטְחָה,
שׁבָּת מְנוּחָה.

לְאִסּוּר מְלָאכָה צִוִּיתָנוּ נוֹרָא,
אֶזְכֶּה הוֹד מְלוּכָה אִם שָׁבָּת אֶשְׁמֹרָה,
אַקְרִיב שַׁי לַמּוֹרָא מִנְחָה מֶרְקָחָה,
שַׁבַּת מְנוּחָה.

ואשיר אערך לך, בנגון ונעימה,
מול תפארת גדלך, נפשי לך כמה,
לסגלה תמימה, קים הבטחה,
שבת מנוחה.

רצה תפלתי, כמו קרבן נחשון,
ויום מנוחתי, ברנה ובששון,
חביב כבת אישון, ברוב הצלחה,
שבת מנוחה.

ישעך קוינו, יה אדיר אדירים,
בן דוד מלכנו, שלח נא לעברים,
ויקרא לדרורים, רוח והנחה,
שבת מנוחה.

אנא עליון נורא, הביטה עננו,
פדנו במהרה, חננו חננו,
שמח נפשנו, באור ושמחה,
שבת מנוחה.

חַדֵּשׁ מִקְדָּשֵׁנוּ זָכְרָה נֶחֶרֶבֶת,
טוּבְךָ מוֹשִׁיעֵנוּ תְּנָה לַנֶּעֱצֶבֶת,
בְּשַׁבָּת יוֹשֶׁבֶת בִּזְמִיר וּשְׁבָחָה,
שַׁבַּת מְנוּחָה.

זכור קדוש לנו, בזכות יקרת היום,
שמור נא אותנו, ביום זה ובכל יום,
דודי צח ואיום, תביא רוחה,
שבת מנוחה.

קול רנה וישועה, לישראל השמיעה,
בבא חזיון תשועה, צור מצמיח ישועה,
אור שמשי הופיעה, תמיד הזריחה,
שבת מנוחה.

This day is light and joy for Israel
Sabbath of rest
You commanded the appointed ones at Sinai
To keep Sabbaths and festivals every year
To set festive meals before me
Sabbath of rest
The desire of the nation’s broken hearts
For hurting souls an additional spirit
Sighing will be removed from pained souls
Sabbath of rest
You have sanctified and blessed it above all other days
In six [days] You completed the creation of the world
On it the grieved find calm and security
Sabbath of rest
The Awesome One commanded us forbidding work
I will attain the splendor of kingship if I keep the Sabbath
I will offer gifts to the feared One, a fragrant flour offering
Sabbath of rest
I will arrange a song for You with pleasant accompaniment
Before Your great splendor my soul yearns for You
Keep Your promise to the perfect treasure
Sabbath of rest
Accept my prayer as the offering of Nahshon
And my day of rest with joy and gladness
Beloved as the pupil of an eye with great success
Sabbath of rest

Que signifient les pains de Chabbat (‘hallot)

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halla

בָּרוּךְ אַתָּה יְהוָֹ-ה אֱלהֵינוּ מֶלֶךְ הָעולָם. הַמּוצִיא לֶחֶם מִן הָאָרֶץ

Bénis sois-tu, Éternel, notre D-ieu, Souverain du monde, qui fais sortir le pain de la terre.

Les ‘hallot (deux pains du Chabbat) représentent les deux portions de manne que les Hébreux recevaient le vendredi pendant la traversée du désert (ils avaient une double portion le vendredi car ils ne pouvaient pas en ramasser le samedi en raison du Chabbat).

Nos Sages ont lu le texte du livre de l’Exode interdisant d’effectuer un travail à chabbat (sous peine de mort!) (Ex 31, 14-17), en l’éclairant par le passage qui le suit immédiatement.

Ce dernier commente la construction du Tabernacle (le michkane d’un verbe qui signifie « demeurer », ou « tente de la rencontre »- ohel moed) au désert, indiquant les différentes mélekhet mahachevet (œuvres conscientes) utiles à sa construction et au fonctionnement du culte qu’on y rendait. on consacre le pain car il présente cette oeuvre de la semaine, du temps profane.

Les 39 travaux interdits (melakhot) sont structurés par ces travaux nécessaires à la construction du Tabernacle. Ils se répartissent en 3 catégories de 13 :
– les interdits concernant la fabrication de la nourriture : les pains de proposition dans le texte biblique ;
– les interdits concernant la confection de vêtements : le tissu qui recouvrait le tabernacle ;
– les interdits concernant la fabrication de la maison : de la charpente aux cordages de la tente, demeure de Dieu au désert.

Ces 3 catégories structurent le réel humain, notre habitation dans la vie. Elles concernent donc la vie (tout homme vit de pain), le vêtement, et la maison, c’est à dire les surfaces et les enveloppes de la sociabilité et de toutes les relations humaines. D’où la mitsva d’inviter ses amis, de consommer 3 repas, de faire l’amour, la sieste, de mettre des habits spéciaux…

L’interdit du battage du blé (dicha) concerne le fait de séparer une nourriture ou une graine de son enveloppe ou de son écorce. Il est étendu à des actes semblables comme presser un jus de fruit ou traire une vache. L’interdit ne porte donc pas sur un acte visible, extérieur, mais sur un principe de transformation significative du monde visant à créer. Il s’agit de prendre conscience de l’intention (kavana) qui sous-tend une action ou une succession d’actions en vue de créer.

On arrête de créer, d’être engendré par la succession des taches de la to do list de la semaine pour prendre conscience du temps, pour se rendre compte qu’il passe sur nous, que nous sommes créés. La mitsva est sanctification du temps, prise de conscience du temps et de sa plénitude donnée gratuitement. Nous pouvons « tuer le temps » dans l’addiction au réel (les courses du samedi) et c’est ce que signifie la « peine de mort » ou le sanctifier, prendre conscience de notre responsabilité pour le rendre sensé, vivant, humain.

Cette libération de la servitude du quotidien travaillé est mémorial de la création du monde et de la sortie d’Egypte. Le Chabbat est création de l’âme et libération de la servitude.

On prélève un morceau de la pâte (‘halla) selon la mitsva de la Torah « Quand vous mangerez du pain de ce pays, vous prélèverez un morceau [de pâte] pour l’Eternel. » (Nb 15, 17-21). La racine du mot ‘halla est ‘hol qui signifie ordinaire ou profane. On « sépare » le sacré du profane pour rendre au monde profane sa signification.

Le Midrach (Bamidbar Rabba 15) dit que la ‘halla est l’une des trois choses pour lesquelles D.ieu créa le monde.

Le Maharal de Prague dit que chaque homme est un microcosme lié au macrocosme cosmique, un mini-univers à lui tout sel. Le monde est composé de terre et d’eau. L’humain aussi est composé de terre-la farine, son corps, et d’eau : son âme. Chacun de nous est donc une pâte. En prélevant la ‘halla, nous sanctifions tout notre être.

C’est la mitsva essentielle avec l’allumage des bougies pour la femme dont le corps, selon nos sages a été créé parfait car il est rythmé par le temps de la lune.

La havadala (séparation, cloture) du chabbat finira par cette bénédiction :

Béni Tu es, Hachem, notre D. Roi de l’univers, qui distingues le sacré du profane, la lumière des ténèbres, Israël des autres peuples, le septième jour des six jours ouvrables, béni Tu es, Hachem, qui distingues le sacré du profane.

Baroukh Ata Ado-nay  élo-hénou mélèkh aholam hamavdil bein kodech lé’hol, ou bein Or Léhochekh oubein Israel Ia’amim ou bein yom hachévii léchéchèt yemei hamaasé. Baroukh ata Ado-nay hamavdil bein kodech léhol.

Il s’agit de séparer, distinguer (sanctifier en hébreu) pour y voir clair de manière distincte.

Si tu cesses de fouler aux pieds le Chabbat, de vaquer à tes affaires en ce jour qui m’est consacré, si tu considères le Chabbat comme un délice, la sainte journée de l’Éternel comme digne de respect, si tu le tiens en honneur en t’abstenant de suivre les voies ordinaires, de t’occuper de tes intérêts et d’en faire le sujet de tes entretiens, alors tu te délecteras dans le Seigneur et je te ferai dominer sur les hauteurs de la terre et jouir de l’héritage de ton ancêtre Jacob. C’est la bouche de l’Éternel qui l’a dit. (prière du kiddouch de Chabbat midi)

 

 

 

Seli’hot : Pourquoi la vérité nous échappe

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Ange du jugement

Marc Chagall, L’ange du jugement

Emet

Parmi les 13 attributs divins donnés à Moïse en Ex 34, 6-7 la Vérité (EMET) est au centre.

Attributs de D-ieu

Elle est entourée deux fois par le ‘hessed, la bonté, la générosité comme nous l’avons déjà noté. La vérité est donc entourée de 2 fois 6 attributs. l’exclamation Ad-onaï, Ad- onaï ouvrant le vayavor pour attirer l’attention de l’auditeur sur ce qui va être dit :

Emet

Le cœur du mot Emet = aleph, mem, tav, est la lettre mem, la 13ème de l’alphabet hébraïque. 13, la valeur de ehad (un) et de ahava (l’amour), comme si l’Un était au cœur de la vérité au centre des 13 attributs divins.

La valeur de mem est 40, le nb de jours de selihot avant kippour, de jours au désert avant d’entrer en terre promise, de jours de Moché au Sinaï, de séa d’eau dans un mikvé. Un chiffre qui symbolise la naissance et la vie.

Alef est la première lettre de l’alphabet hébraïque tandis que Tav est la dernière. La vérité semble donc au début et à la fin de la vie de l’homme. Et la foi au milieu.

La racine de Emet permet de construire les mots : Amen « cela est vrai » et emouna « la foi ». Celui qui croit n’adhère pas à une vérité mais à la volonté de la chercher…

EMET (vérité) est l’anagramme d’Elohim Mélékh Tamid.

Si ma lecture est juste il doit y avoir une sorte de parallélisme de construction des 13 attributs : la clémence de D-ieu s’opposerait à la rébellion de l’homme, la lenteur à la colère de D-ieu aux 1000 générations de l’homme, le péché de l’homme à D-ieu

Il est bien évident que cet attribut de ‘hessed quoi entoure EMET, comme tous les autres attributs, qualifie moins D-ieu -dont nous ne savons absolument rien car il est transcendant, que l’attitude que nous devons avoir comme le souligne le Talmud :

Hama, fils de R. Hanina, a dit : Que veut dire le verset : « vous marcherez après le Seigneur votre Dieu? (Nb 35, 1) Est-il possible pour un être humain de marcher après la Chekhina (la présence de D-ieu en ce monde) ? ; N’est-t-il pas écrit : le Seigneur, ton Dieu, est un feu dévorant ? (Dt 4, 24). Mais [le sens est] de marcher selon les attributs du Saint, béni soit-Il. Comme il habille ceux qui sont nus, comme il est écrit : « Et le Seigneur Dieu a fait pour Adam et pour sa femme des manteaux de peau et les a vêtus» (Gn 3, 21), toi-aussi, habille celui qui est nu. Le Saint béni soit-Il rendit visite aux malades, car il est écrit : « Et l’Éternel lui apparut aux chênes de Mamré » (Gn 23, 1) [Abraham guérissait de sa circoncision], toi-aussi fait de même : visite les malades. Le Saint, béni soit – Il, réconforte les personnes en deuil, car il est écrit : « Et il arriva après la mort d’Abraham, que Dieu bénit Isaac son fils » (Gn 25, 11) toi aussi console ceux qui sont en pleurs. Le Saint béni soit-Il a enterré les morts, car il est écrit : « Et il l’a enterré dans la vallée » (Dt 34, 6), de même enterre les morts. (TB Sotah 14a)

Nous ne sommes que temps et espace et l’Omniprésent n’est rien de tout cela.

D-ieu est « D-ieu de vérité, le vrai juge » selon rabbi Akiba dans TB Berakkot 46b. Dans la maison d’une personne en deuil on dit donc : Baroukh Dayan ahemet « Béni sois – tu, Juge de Vérité.

Dans la liturgie, D-ieu est défini comme la Vérité : Adon-aï eloekhem Emet, L’Eternel votre Dieu est Vérité.

Nous sommes invités par la Torah à fuir le mensonge : Mi-devar cheker tirkha venaki vetsadik al taarog ki lo atsadik racha« Fuis la parole de mensonge, et ne frappe point de mort celui qui est innocent et juste, car je n’absoudrais point le méchant ». (Exode 23, 7), et aussi : « celui qui profère des mensonges ne subsistera pas devant Moi » (Ps 101), mais c’est D-ieu lui-même qui est la vérité in fine.

Mais d’un point de vue humain toute vérité ne semble pas bonne à dire et toute parole semble imparfaite, équivoque, approximative, pouvant prêter à lapsus- comme disent les psychanalystes, quiproquo ou mensonge délibéré. Les vérités scientifiques ne sont que des expressions mathématiques souvent provisoires, des interprétations théoriques valables dans un champs du réel.

L’homme doit donc chercher la vérité mais il est incapable de vivre dans un monde de pure vérité comme le montre cette anecdote talmudique.

La ville où les gens ne mentaient jamais

« Raba a dit : Au début, je pensais qu’il n’y avait pas de vérité dans le monde. Sur quoi l’un des rabbins, au nom de R. Tabuth a dit, d’autres disent au nom de R. Tabyomi – qui, même s’il avait reçu tous les trésors du monde, ne mentirait pas, et qu’il était venu dans une ville appelée Kushta (la vérité), dans lequel personne n’avait jamais raconté de mensonges, et où aucun homme n’était mort avant l’heure.

Maintenant, il a épousé une de leurs femmes, de qui il a eu deux fils. Un jour, sa femme était assise et se lavait les cheveux, quand un voisin est venu et a frappé à la porte. Se disant que ce ne serait pas décent [de lui dire que sa femme se lavait], il cria : « Elle n’est pas là. Ses deux fils sont morts [En punition pour cela].

Alors les gens de cette ville sont venus à lui et l’ont interrogé : « Quelle est la cause de ceci ? » Alors il leur raconta ce qui s’était passé. « Nous vous prions, répondirent-ils, quittez cette ville et n’attire pas la mort sur nous. » (TB Sanhédrin 97 a)

Vérité et langage

L’homme ne peut donc pas vivre dans un monde de pure parole vraie, celui-ci serait insupportable ; il est d’autre part inhérent au langage de porter en lui-même ses propres contradictions et il est probable que les vérités ultimes ne puissent être dites que dans un langage paradoxal. Toute conversation, élaboration d’une vérité commune momentanée entre deux êtres présuppose et vise une vérité qui la dépasse. D-ieu est donc quelque part dans le langage. Vérité. Mais il n’est pas le langage, il l’habite comme en creux, absent.

La conversation humaine présuppose D-ieu comme vérité originaire. Le Pirké avot le résume de manière lapidaire :

« Toute controverse qui a vocation d’honorer les Cieux connaîtra un aboutissement perdurable ; et celle qui n’a pas vocation d’honorer les Cieux ne connaîtra pas d’aboutissement perdurable. Quelle est la controverse qui a vocation d’honorer les Cieux ? C’est la controverse entre Hillel et Chammaï. Et celle qui n’a pas vocation d’honorer les Cieux ? C’est la controverse entre Kora’h et toute sa faction. » (Pirké Avot 5, 17)

Le langage a une étrange capacité, celle de dévoiler et de cacher la vérité tout à la fois. Nous parlons et évoquons le réel via des phonèmes, des chaines d’expression qui visent et décrivent le réel qui nous semble commun. Cette foi dans le langage prend racine dans la nomination paternelle si l’on en croit les psychanalystes. L’inscription dans le champs du langage fonde le fait que l’enfant s’inscrit dans le cycle des générations et donc le temps. Le temps créé par Dieu nous précède toujours.

Le rapport à la vérité fonde le langage humain qui reste un point de vue, une approximation, un fragment de vérité.

On trouve chez Orwell d’étranges échos de la Torah et de ce que nous avons dit. Syme, qui travaille au Service des Recherches du Ministère de la vérité d’un Etat totalitaire contrôlé par Big Brother y dit ceci:

« C’est une belle chose, la destruction des mots. Naturellement, c’est dans les verbes et les adjectifs qu’il y a le plus de déchets, mais il y a des centaines de noms dont on peut aussi se débarrasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Après tout, quelle raison d’exister y a-t-il pour un mot qui n’est que le contraire d’un autre ? Les mots portent en eux-mêmes leur contraire. Prenez « bon », par exemple. Si vous avez un mot comme « bon » quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme « mauvais » ? « Inbon » fera tout aussi bien, mieux même, parce qu’il est l’opposé exact de bon, ce que n’est pas l’autre mot. Et si l’on désire un mot plus fort que « bon », quel sens y a-t-il à avoir toute une chaîne de mots vagues et inutiles comme « excellent », « splendide » et tout le reste ? « Plusbon » englobe le sens de tous ces mots, et, si l’on veut un mot encore plus fort, il y a « double-plusbon ». Naturellement, nous employons déjà ces formes, mais dans la version définitive du novlangue, il n’y aura plus rien d’autre. En résumé, la notion complète du bon et du mauvais sera couverte par six mots seulement, en réalité un seul mot. Voyez-vous, Winston, l’originalité de cela ? Naturellement, ajouta-t-il après coup, l’idée vient de Big Brother. (Orwell, 1984)

Le Rav Kook dit ceci :

« On traduit d’habitude ‘emet’ par le mot ‘vérité’ – il n’y a que Dieu qui la détient. Plus on se rapproche de Dieu, plus on s’efforce de connaître la volonté de Dieu, et plus on se rapproche de la vérité. Personne ne peut détenir la vérité absolue, un être humain ne peut percevoir et dévoiler qu’un aspect de la vérité. » ( source ).

Seul D-ieu est vérité. Nous ne disons ni n’écrivons son NOm pour préserver sa position d’en-dehors du langage. En hébreu les seules lettres qui ne prennent pas de voyelles sont celles du tétragramme divin. On est donc toujours en train de lire le nom de D-ieu comme en creux.

D-ieu a jeté la vérité sur la terre

On retrouve ce lien entre ‘hessed (générosité) et vérité (emet) dans le midrach :

« Parole de Rabbi Simon : quand le Saint-béni-soit-Il s’apprêta à créer le premier homme les anges du service ne furent que factions et clans : « crée le, lançaient les uns ! », « ne le crée pas lançaient les autres ! » ainsi qu’il est dit (Psaumes. 85.11): « Générosité (‘hessed) et vérité se sont approchées, justice et paix se sont embrassées. » La Générosité (‘hessed) a déclaré : « qu’il soit créé, car il pratique la générosité. La vérité (emet) a déclaré : qu’il ne soit pas créé, car il est tout entier mensonge. La justice a dit : qu’il soit créé car il accomplira des actes de justice. La paix déclara : qu’il ne soit pas créé, car il est tout entier conflit ».

Que fit le Saint-béni-soit-Il ? Il se saisit de la vérité et la jeta à terre ce qu’exprime le verset : « il jeta la vérité à terre » (Dn 8, 12). Alors les anges de service protestèrent devant le Saint-Béni-Soit-Il: « Maître du monde, comment peut tu humilier ton sceau de vérité ? ». Il répondit : « que la vérité lève de terre » comme il est écrit (Psaumes 85) : « que la vérité pousse de la terre ».

Paroles des Rabbis au nom de Rabbi Hanina bar Idi, Rabbi Pinhas et Rabbi Helkia au nom de Rabbi Simon : MeAuD (extrêmement) c’est ADaM (l’homme) car il est écrit (Genèse 1.31): « Dieu examina tout ce qu’il avait fait c’était extrêmement (MeAuD) bien » (En hébreu « extrêmement » correspond à l’anagramme de « Homme » ce qui est mis en évidence dans le verset qui qualifie la création de l’Homme d’ « extrêmement bien ») et voici que « bien » (dont il est précisément question dans ce verset) c’est l’homme. Rav Houna de Sephoris a dit : alors que les anges débattaient, le Saint-béni-soit-Il, créa l’homme. Puis Il leur dit : « Pourquoi débattre, alors que nous avons fait l’homme ». (Genèse Raba 8, 5)

Le Maharal de Prague commente ainsi ce midrach :

« Ce passage du Midrach est très étonnant. Cette idée que Dieu jeta la Vérité à terre, et bien qu’elle ait été jetée à terre en fin de compte elle a quand même affirmé que l’Homme ne doit pas être créé et si Dieu n’avait pas voulu tenir compte des paroles de la Vérité pourquoi l’a-t-il consultée ? Car ce commentaire du Midrach porte sur le verset « faisons l’Homme à notre image » c’est-à-dire qu’il soit créé selon les valeurs de la Générosité (‘hessed), de la Vérité (emet), de la Justice (tsedek) et de la Paix (chalom) et sous prétexte que la Vérité a dit quelque chose de juste elle doit être jetée à terre ? Le Midrach conclut ainsi : Dieu jeta la Vérité à terre.

Cela veut dire qu’il a donné la Vérité à la terre (et non pas comme on pourrait le croire, qu’il aurait simplement supprimé la Vérité). Car la Torah est une loi de Vérité plus que tout, c’est pour cela qu’elle est appelée « Torat emet » (Tora de Vérité) et c’est par la Torah qui est la sagesse intellectuelle véritable que l’Homme accède à la Vérité. Et même si tout Homme est mensonge, il y a tout de même une perspective de Vérité des plus élevées qui est la Torah et qui ne trouve pas même d’équivalent parmi les anges. Et du fait que l’Homme est préparé par la Torah dans cette recherche de Vérité, la Vérité est présente sur terre, et c’est pourquoi du point de vue de la Torah l’Homme mérite d’être créé. Et alors les anges ont dit: « pourquoi mépriser ce qui t’appartient en propre ? » c’est-à-dire ton objet c’est la Torah qui vient d’En-Haut, tu la déshonores en la jetant sur terre qui relève de l’En-Bas. Et Dieu répondit alors : « que la Vérité se lève de la terre » car la Tora n’est pas vraiment sur terre mais l’Homme qui possède la Torah participe de l’En-Haut par cette Tora qui en fait partie. A partir de là, la Paix ne peut plus non plus plaider contre la création de l’Homme car tout son plaidoyer était basé sur la violence humaine mais tout ce discours ne vaut que pour l’Homme sans Torah car la Torah ouvre des voies de douceur et de paix ainsi il est dit « Les Sages multiplient la paix dans le monde ». (Maharal de Prague, les sentiers de l’éternité, sentier de la Torah, ch 3)

La vérité vient des cieux et l’homme n’est que mensonge. Mais l’homme est comme un arbre qui pousse et la vérité peut germer en lui s’il grandit vers le ciel et entend la Torah. Une torah qui n’est pas « dans les cieux » que l’homme ne puisse aller la chercher au-delà de ses forces mais qui est « tout prêt de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettre en pratique ». Une vérité qui n’est donc pas théorique mais pratique, concrète réalisable par l’homme.

Là où il n’y a pas de justice il n’y a pas de société humaine

La seule obligation positive qui relie les beni noah et les juifs est d’établir des tribunaux, d’établir des juges (dayanim) et des magistrats (choftim). Là où l’on ne cherche pas la vérité il n’y a pas de justice. Là où il n’y a pas de tribunaux il n’y a pas d’Etat.

Le juge rabbinique selon le traité Sanhédrin et la Torah est d’abord celui qui cherche le vérité (d’où les 2 ou 3 témoins et l’absence de valeur du témoignage d’un seul témoin de la paracha Choftim de ce Chabbat).

Maïmonide explique la notion de justice (din) comme signifiant un pouvoir qui fait régner la justice et l’équité. Il poursuit par l’interprétation du concept de EMET qu’il comprend comme signifiant le niveau intellectuel et de réflexion de la société (maaloth si’hilioth). Le niveau de recherche de la Vérité dans une société est donc directement corrélé à la justice sociale. Pas d’Etat sans vérité.

Et pourtant le traité Sanhédrin du Talmud nous avertit :

« Nos maîtres nous ont enseigné : ‘Quel est le jugement dans lequel se trouve la paix (chalom) ? C’est le compromis’ » (TB Sanhédrin 6b).

Deux demi-vérités (un compromis) valent-elles une vérité ? Est-ce le prix du Chalom ? Sa complétude (ce que signifie le chalom) suppose la complémentarité de vérités restreintes.

Le Pirké Avot dit :

« Rabban Shim’on fils de Gamliel dit : le monde tient sur trois choses : sur le droit, sur la vérité et sur la paix, comme il est dit : « Vérité et sentence de paix, tels doivent être vos jugements entre vos portes » (Zacharie 8, 16) » (Pirké avot 1, 18)

 

Le Rambam (Maïmonide) commente cela :

« Le droit (דין), c’est le fait qu’une société fonctionne sur la base de la justice. Et nous avons déjà expliqué dans le quatrième chapitre de l’Introduction au traité Avot que la vérité est une vertu intellectuelle et la paix une vertu morale. Et lorsque sont atteintes ces trois élévations, l’existence est alors la plus parfaite possible sans le moindre doute ni la moindre contestation. » (Moïse Maimonide, Commentaire du Pirké Avot)

Dans 1984 Georges Orwell écrivait :

« A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire. »

Vérité et justice

Y a-til une contradiction entre le hessed et la justice (tsedaka) ?

« Rav Houna a soulevé une contradiction entre les deux moitiés d’un verset. Il est écrit: « Le Seigneur est juste [ tsadik ] dans toutes ses voies » ( Ps 145, 17 ), indiquant que Dieu agit conformément à l’attribut de la justice stricte [ tsedek ], et alors il est écrit dans le même verset: « Et bon [ hassid ] dans toutes ses œuvres », impliquant qu’il agit avec grâce et bienveillance, allant au-delà de la lettre de la loi. Rav Huna a expliqué : Au début, au moment du jugement, il est juste, mais finalement, au moment de la punition, Il est gracieux. » (TB Sanhédrin)

D-ieu seul juge. Il est le souverain suprême. Son jugement nous échappe car sa puissance de vérité surplombe l’humanité et très curieusement se situe comme en « contre plongée » :

« A chaque fois que tu trouves mention dans l’Ecriture de la puissance de Dieu, tu trouveras aussi mention de son humilité. Il est écrit ainsi dans la Torah : « Car l’Eternel votre Dieu est le juge suprême, le seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable », et il est écrit juste après : « Il rend la justice à la veuve et à l’orphelin, il aime l’étranger et lui donne le pain et le vêtement. » (Deutéronome 10:17) » (TB Meguila 31a)

Tzedek, tzedek tirdof, « C’est la justice, la justice que tu dois chercher si tu veux rester en possession de ce pays que l’Éternel ton D-ieu te destine. » (Paracha Choftim, Dt 23, 20)

C’est la vérité, la vérité que nous devons poursuivre même si nous ne l’attrapons pas ; cette vérité dont l’existence présuppose toute conversation humaine. Car comment parlerions-nous si tout n’était que mensonge ?

Le Tana debe Eliyahou (une ancienne source midrashique) dit que quiconque prend soin de dire des mots de vérité recevra un malach (un ange) qui lui montrera la vérité. Celui qui dit des Sheker (mensonges) recevra un ange qui le trompe.

La vérité partagée ou confisquée

Mais le plus dur dans la recherche de la vérité est probablement d’accepter de le point de vue de l’autre sans renoncer forcément à ce qu’on est… et parfois de renoncer à tout ce que l’on croyait comme surement établi… tout en cherchant fermement la vérité.

« Parce que les disciples de Hillel étudiaient aussi l’opinion de leurs adversaires, leurs conclusions portaient une plus grande marque de vérité ». (TB Eruvin, 13 b)

Cette recherche rend finalement tolérant. Nous ne sommes que des parcelles de vérité.

Mon ami Gérard Haddad a qui je dois tant a écrit un très bon livre que je vous conseille de lire : « Dans la main droite de Dieu » aux Editions « Premier Parallèle », une Psychanalyse du fanatisme.

Gérard descend du Sinaï ( 😊) et nous délivre les lois du fanatisme :

1ere loi : Est fanatique celui qui se croit détenteur de la Vérité

2ème loi : Le fanatique cherche à tout prix à universaliser

3ème loi : Le fanatique se croit chargé de la mission de détruire ceux qui ne partagent sa vérité pas, dans une visée millénariste délirante d’abolition des tensions permettant d’arriver à la fin de l’histoire.

Pour lui « la rivalité entre frères, [est la] conséquence de l’aliénation du sujet à son insatisfaisante image spéculaire ». Géarard Haddad affirme à la suite de la Torah que la violence fraternelle prime le conflit oedipien (l’enfant qui voudrait tuer son père). Cette jalousie fraternelle originaire et structurelle nourrit une violence meurtrière. L’histoire et les mythes sont pleins de ces fratricides : Abel et Caïn, Ismaël et Japhet, Ésaü et Jacob, Joseph et ses frères, Romulus et Remus,…

La techouva est la seule solution à cette « prison de l’âme ».

Celui qui croit détenir la Vérité se tient à la place de Dieu. Il est l’idolâtre parfait qui va faire de son point de vue un Etat totalitaire comme Hitler- que son nom soit effacé, Staline-idem ou Pol Pot-ibid. Le slogan devient alors vérité ultime, la bien-pensance et les idées toutes faites un mantra, la novlangue un nouveau langage où la vérité est confisquée. Miniver, le Ministère de la vérité de 1984 d’Orwell est en fait celui de la propagande.

 

 

L’expulsion des 39 derniers juifs de Catalogne

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Port vendres
Le 3 septembre 1493, Charles VIII restitue le Roussillon et la Cerdagne à l’Espagne. Le 13 du même mois, les Rois Catholiques pénètrent dans Perpignan.

Le 21 septembre 1493 un second édit dexpulsion est proclamé. Il est écrit en catalan et signé seulement par Ferdinand. Il accorde trente jours à tous les Juifs pour partir de ses terres. Il n’en restait que fort peu.

Rassemblés dans la baie de Port-Vendres dans lattente du départ prévu pour le 21 octobre, mais épuisés, malades, et devant des éléments naturels déchaînés, ils obtiennent lautorisation dattendre quelque temps avant de sembarquer à Collioure en direction de Naples sur le “Santa Maria i sant Cristofor” de Pierre Soler. Mais pour ce faire, il leur faut payer “un nolis de deux ducats en or, par tête, en exceptant les enfants à la mamelle et ceux que les femmes grosses portent dans leur sein”.


Totalement ruinés, ils sont obligés de demander au procureur royal de pourvoir à leur alimentation pendant la traversée.

Entassés sur cette embarcation, ces trente-neuf exilés, ces trente-neuf derniers Juifs catalans qui ont refuse la conversion voient avec tristesse s’éloigner cette terre que leurs ancêtres avaient tant aimée, et malgré tous les ressentiments qu’ils auraient pu éprouver, malgré tout ce qu’ils avaient pu endurer, ils lemportèrent avec eux dans leur cœur. Et durant des années, des décennies et même des siècles, ils continuèrent à vivre, à parler, à chanter, et même à cuisiner comme leurs lointains ancêtres.

Madame Francesca Caruha, auteur de cette œuvre artistique en a défini elle-même la symbolique : “En projetant leur ombre de soleil sur le socle en forme de Méditerranée, ces trous gravent la place des âmes ancrées en pays catalan”.

Qu’il nous soit permis de lire une dernière fois leurs noms :
Gracia Menahem Mossé, sa fille et son gendre.
Abraham Fuentes et sa femme.
Jucef Hasday et sa famille.
Na Stelina et son fils.

Bendit et sa mère.
Nissim et sa famille.

Jucef Léo Salomon et ses enfants.
Salomon de Larat et ses enfants.

Na Petrossa.
Ysaac de Piera et sa famille.

Nathan Mossé et sa famille.
La Lolita et un enfant.

Jacob et sa femme.

 

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Source : https://sites.google.com/site/lalettresepharade/home/la-revue-par-numero/numero-17/l-exil-des-derniers-juifs-catalans

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